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  • C'était pas prévu - Page 3
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    Le dragon protecteur d'Yggdrasil s'est réveillé. Au milieu du mariage de Gaston et Camélia, souverains d'Altissia et Caldissia, la statue figée depuis un millénaire a quitté son socle pour arpenter le ciel de la cité. De son rugissement puissant, il a fait appel à des monstres sauvages pour encercler Yggdrasil, rendant les entrées et sorties en son sein impossibles. Progressivement, les vivres viennent à manquer et les stocks se vident sans pouvoir se remplir...
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    Il y a quelque chose de mystique, je trouve, à laisser parler la magie pour nous. Je n'ai pas le loisir de savoir ce que ça fait, mais de ce que je peux observer, même si c'est rigolo, ça a l'air plus encombrant qu'autre chose. Pour autant, il n'empêche que je trouve ça vraiment joli, les bouquets magiques dans les cheveux. J'en oublie parfois sa nature de nymphe mais les petits détails comme ça me le rappellent. C'est dommage qu'il trouve ça peu pratique, mais j'imagine qu'à sa place je penserais la même chose.

    « Ah bon... »

    Ses émotions sont facilement identifiables quand on connaît bien les plantes, et alors ? Je ne pensais pas que ça serait un problème. Mais une fois encore, je ne suis pas à sa place, alors je ne peux pas trop parler. Je voulais juste tenter d'en savoir un peu plus sur lui et ses particularités qui le rendent si spécial à mes yeux. Mon regard n'est plus tourné vers le ciel, pour une fois. Je me mets à détailler les fleurs qui sont apparues sur sa tête, comme si les analyser de près aller me parler de leur langage. Je n'ai aucune idée de ce qu'elles signifient, mais puisqu'elles sont apparues récemment, j'imagine que ça doit être quelque chose avec le fait de se retrouver de manière plus intime avec une personne.

    « Tu penses que c'est un inconvénient ? »

    Je pose la question innocemment, me demandant pourquoi il a l'air embêté, tout à coup. Peur que je me moque ? Ou... qu'il fasse apparaître des plantes partout sans le vouloir ?.. Il a l'air tellement sérieux qu'il donne systématiquement l'impression de savoir ce qu'il fait.

    « Si tes émotions ne te trahissaient pas, les exprimerais-tu quand même ?.. »

    Les derniers feux éclatent. Toujours près de Natsume, j'ai un peu écarté ma prise autour de lui. Je le scrute avec curiosité et intensité. Même les fois où Natsume ne parle pas beaucoup, il y a éternellement quelque chose qui s'agite chez lui, même le plus petit des bourgeons.


    Dernière édition par samalo le Mar 16 Fév 2021 - 10:26, édité 1 fois

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    Les feux se terminent. Lentement, la foule se dissipe. Je me sens plus calme. Je suis peu à peu revenu à un état plus stable, et je parviens mieux à suivre le rythme de mes pensées. Alors lorsqu'il m'interroge sur la vision que j'ai des effets de ma magie, si je suis surpris – et cela se manifeste par une expression temporairement déconcertée -, je ne me retrouve pas dans un bourbier de pensées dont je ne pourrais me tirer. Au lieu de cela, si je suis pris de court, je ne me sens pas mal à l'aise. Sa dernière question a le mérite de me faire tiquer.
    Sur l'instant, je ne dis rien, pensif. Il y a quelques années, j'aurais dit que non. Que j'aurais tout fait pour que ce que je pouvais ressentir ne puisse pas s'échapper, car il devait s'agir d'une faiblesse ; c'était ce que j'avais appris. Si Katya n'avait pas été là... Je me demande parfois qui j'aurais pu devenir.  Je ne regrette pas d'avoir abandonné cette façon de faire. Mais je me retrouve souvent déconcerté par le cas  inverse. Alors, face à sa question, et alors que mes yeux se reposent sur un point fixe du paysage, je pondère mes mots.

    « J'ai... Appris que je ne devrais pas les exprimer. Mais... »

    Mais ce n'est pas une bonne chose, n'est-ce pas ? D'une façon ou d'une autre, tout finit par déborder. Surtout dans mon cas ; ou du moins, c'est l'impression que j'en ai. Au delà du fait que je suis assez honnête pour admettre que cela a causé un certain mal-être chez moi durant longtemps, je ne... Suis pas sûr que ce soit une bonne chose pour les personnes autour de moi non plus. Même sans mon rôle et le fait qu'un roi sans émotions soit peut-être une des choses les moins préférables qui soit, j'ai déjà pu constater que se révélait parfois blessant pour les autres.

    « Je sais qu'il s'agit d'une erreur. »

    L'expression désabusée, je mentirais si je disais que je n'étais pas déçu par moi-même. Je ne veux pas continuer à mettre en œuvre ces idioties, mais parfois...

    « Ce sont... De mauvaises habitudes dont il faut que je me débarrasse. »

    Plus facile à dire qu'à faire, toutefois. J'ai encore du mal à exprimer mon affection à mes proches et à ceux que j'apprécie de manière sincère, sans avoir honte et avoir la sensation d'être ridicule. J'essaie de tempérer ce point. Ce n'est pas simple.

    « Je suis simplement peu adroit. »

    Le sourire sur mon visage est davantage jaune qu'autre chose. Ce que je viens de dire est un incroyable euphémisme, en réalité, comparé à la réalité.

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    Natsume est honnête, c'est sûr. Mais il n'exprime pas toujours forcément ce qu'il pense. Ce soir, par exemple, je n'ai aucune idée d'à quoi il pensait et pourtant son corps a parlé pour lui. Il m'a quand même confié certaines choses à cœur ouvert, comme s'il avait l'impression de posséder cette liberté de le faire, mais ça ne me dit pas ce qu'il ressent au plus profond de lui. La raison pour laquelle il m'a... embrassé, par exemple. Par amour ? Par pitié ? Par curiosité ?.. Je meurs d'envie de savoir ce qu'il a ressenti à ce moment-là, mais je ne suis pas télépathe. Alors oui, j'envisageais le langage des fleurs, car c'est bien le seul qui pourrait m'aider à l'heure actuelle, et celui qui ne ment jamais. Avec sa nature de nymphe, la parole des plantes est très précieuse ; j'aimerais la comprendre.
    Au moins, je suis soulagé qu'il se sente suffisamment en confiance pour réfuter ce qu'on lui a appris et commencer à exprimer un peu ce qu'il a sur le cœur. Enfin... Je suis déjà flatté de sa confiance en soit. J'ai l'air... de compter pour lui. Cela me fait plaisir. Mais je ne peux pas me contenter de son manque d'adresse. J'ai besoin de savoir. Et j'en profite tandis que les feux d'artifice se sont achevés et que la population se disperse progressivement pour terminer la soirée. J'arbore un sérieux sur le visage qui m'est inhabituel en sa présence. Je veux des réponses. Je veux qu'il soit sincère.

    « Pourquoi est-ce que tu m'as embrassé ? »

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    Je ne sais pas si j'aurais dû en dire autant. Je dois avoir l'air ridicule. N'ai-je pas l'air de me complaindre bêtement.. ? C'est l'impression que je me donne. J'aurais sûrement dû changer de sujet.  Le regard fixé sur un point d'herbe, je ne fais pas attention à mon interlocuteur pendant quelques secondes. J'oublie, temporairement, ce qui a pu se passer durant cette soirée pour me détendre.
    Ou du moins, je l'oublie jusqu'à ce que la réalité ne vienne toquer à la porte sous la forme du regard sérieux et sans détour qu'il me lance.

    Je me crispe. C'est, d'un seul coup, tout mon corps qui s'immobilise, paralysé par l'idée de commettre une erreur. Son expression m'inquiète : elle est inhabituelle, et j'en viens à craindre les conséquences de mes propres actions. J'ai la crainte, subite et brutale, d'avoir commis une erreur. L'inquiétude s'installe dans mon ventre sous la forme d'un nœud pénible et douloureux. Tendu, si mon visage se fait rouge de gêne, le sentiment n'est pas agréable ; c'est, soudainement, une peur vive et tellement soudaine qui a pris sa place. J'en ai presque des sueurs froides. Je ne veux pas répondre à cette question.
    Car j'en avais envie.
    La pensée me traverse, mais je l'empêche de quitter mes lèvres. J'ai, soudainement, peur. Peur de sa réaction alors qu'il me semble d'un coup si sérieux que j'en viens immédiatement à croire que je l'ai vexé, ou mis en colère. C'est du moins ce que je me dis ; car je n'arrive pas à donner beaucoup de sens à ce qui se passe, et mon esprit saute immédiatement aux conclusions. Tout à l'heure, j'avais pourtant eu la sensation que cela ne lui avait pas déplu et que je n'avais pas mal lu l'ambiance entre nous : mais maintenant, je n'en sais plus rien. Je panique. Une culpabilité profonde remonte dans ma poitrine comme une houle, et mon regard se fait fuyant. Je n'ose plus bouger. Rouge de honte, j'aimerais disparaître sous terre.

    « Je... Je suis désolé, je pensais q-que... »

    Je cherche une excuse. Une justification. Mais il n'y en a pas. Je ne lui ai même pas demandé son autorisation : c'est encore pire. Soudainement, j'ai honte de mon comportement. Je rentrerais presque ma tête dans mes épaules d'un coup si cela me permettait de me soustraire à son regard. J'oublie entièrement que sa réaction n'était pas négative. J'ai, d'un seul coup, peur de ce qu'une réponse honnête pourrait causer.

    « Je voulais... J-j'en avais envie, mais, je... Je ne recommencerai plus, c'est promis. »

    Les épaules haussées, la panique montant jusque dans ma gorge, l'herbe sous mes mains se met à mourir. Prostré, mes yeux s'humidifient de honte et de peine. Je meurs d'envie, à l'heure actuelle, de m'enfuir d'une façon ou d'une autre. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas, car j'ai dépassé une ligne blanche que je n'aurai pas dû franchir ; j'ai ruiné notre relation, et tout est de ma faute.

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    Je ne m'attendais pas à ce qu'il panique comme ça, mais j'y suis visiblement allé un peu trop fort. Oups. Mes paupières clignent alors que je l'observe perdre peu à peu le contrôle, comme s'il avait fait une bêtise et qu'il croyait que j'allais le réprimander. Apeuré, il esquisse un mouvement de recul, un air désolé au visage. Le pauvre, il doit se dire qu'il a commis une erreur. C'est pourtant tout l'inverse, en vérité. Je n'ai pas été assez clair à ce sujet avec lui. Enfin... Je n'ai pas été clair du tout, même. Je n'ai jamais rien dit explicitement de mon côté non plus, mais je pensais que le baiser que je lui ai moi-même donné allait l'apaiser. Je crois qu'il n'a toutefois pas compris ce que ça impliquait. Pense-t-il que je n'avais pas de sentiments derrière ?.. Hé... Peut-être...

    « Tu en avais envie ?.. »

    En dépit de ses excuses, ma poitrine bat chaudement. Il en avait envie. Cela me soulage. Je souris doucement.

    « Alors dans ce cas, ça va. »

    Je ne veux pas qu'il ait peur de m'avoir déplu. C'est moi qui ai voulu tenter une approche, par contre, il n'y est pour rien. Enfin... Il a juste approuvé mon geste, et vient de me confirmer qu'il avait le même désir. Alors... Je devrais être heureux. Mais je suis pour le moment peiné qu'il pense avoir mal agi.
    Je m'approche de lui avec une expression plus tendre et sereine, quoique malicieuse.

    « On peut recommencer, si tu veux. »

    Mon visage vient en direction du sien, frôlant ses lèvres, avant d'émettre un petit rire léger. J'espère au moins qu'il va comprendre que j'en ai envie aussi, même si... Ce serait sûrement plus juste que je lui dise aussi directement. Je veux d'abord savoir s'il saisira de lui-même ou si j'ai besoin d'être un peu plus... explicite. Ma main vient d'ailleurs se poser doucement sur la sienne pour la caresser, profitant de la chaleur de ses doigts fins qui m'ont tant fait envie, comme le reste.

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    Je ne devrais pas rester là ainsi. Quitte à me terrer dans le silence, autant que ce soit utile et que ce soit ou pour m'éloigner, ou pour m'excuser comme je viens de le faire. Mais j'ai bien du mal ; il faut croire que la panique m'immobilise trop pour ça. Je ne comprends pas non plus ses réactions. J'ai l'impression qu'il passe d'un comportement à un autre en quelques secondes, sans que je ne saisisse le sens de ces transitions. Le fixant avec incompréhension, si ses sourires me font comprendre qu'il n'est peut-être pas énervé ou vexé, je ne peux pas dire que je sois dans mon élément. Je suis mal à l'aise. Ma panique ne disparaîtra pas aussi vite que cela ; surtout alors que mes yeux sont encore un peu humides et que je peux sentir le rythme effréné de mon cœur dans ma poitrine. « Ça lui va » ? Comment ça ? Est-ce cela veut dire qu'il craignait quelque chose... ?  Mon regard passe de son visage à sa silhouette qui semble s'être rapproché alors que je n'ai pas bougé. Sa proposition manque presque de me faire sursauter.
    Ses lèvres près des miennes, pourtant, sur l'instant, ne me suscitent pas d'envie. Je suis trop confus – et la panique n'est encore pas très loin -, pour arriver à laisser ce type d'émotions dans mon esprit. Au lieu de cela, devenu silencieux, je choisis plutôt d'éloigner légèrement mon visage, afin de lui faire saisir sans le repousser brusquement que je ne suis pas exactement à l'aise pour le moment.

    « Je... Un instant. »

    J'ai encore l'impression de faire une erreur. Si je ne gâche rien au final, j'ai toutefois cette impression d'être en retard. De ne pas assez bien saisir, de ne pas assez bien voir, d'être « à la ramasse ». En somme, d'être agaçant en plus d'être ridicule. Même si sa main contre mes doigts me tranquilise un peu.

    « Je... »

    Je reprends mon calme. Progressivement. Ses doigts contre les miens me permettent de reprendre peu à peu ma contenance, quand bien même ce n'est pas simple. Mon regard s'est posé sur l'herbe dans l'espoir d'y trouver un peu d'aide. J'hésite à me montrer honnête. A lui dire honnêtement ce que je ressens, quitte à installer un malaise entre nous. J'ai la sensation, en effet, de profiter de la situation. D'utiliser son désir d'affection alors que mes pensées n'ont rien d'amicales. Cela laisse un goût acre dans ma bouche. Pourrais-je prétendre que je ne ressens rien, si cela continue... ? Pourrais-je supporter cette peine... ? Combien de temps ? Des jours, des mois... ? Des années... ? … Ce n'est pas sain. Je ne peux pas agir comme un profiteur ; ce n'est pas digne.

    « … Je t'aime. »

    L'aveu me noue la gorge. Il n'est pas très émouvant, je dois l'admettre, mais c'est car je suis résigné ; je ne m'attends à rien. Je veux juste... Lui expliquer pourquoi je ne peux pas continuer à l'embrasser de manière honnête, quand bien même le souvenir de notre dernier échange ramène des rougeurs à mes joues tant il fut plaisant.

    « Alors je ne peux pas... »

    Je ne termine pas ma phrase, mais cela relève de l'évidence. Je ne peux pas en profiter. Ce n'est pas car il apprécie l'intimité physique que cela me donne le droit de projeter mes émotions sur son comportement ; quand bien même cela me peine.

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    J'espérais le rassurer. Lui faire comprendre qu'il n'avait pas à s'en faire et que c'était tout à fait voulu. Mais il semble avoir du mal à faire le lien avec le fait que je ne lui ai pas refusé son baiser et le second que j'ai moi-même avancé. Ou alors il n'y songe pas sur le moment, pensant probablement être le seul fautif. Ne pense-t-il pas qu'il faut être au moins deux, pour s'embrasser ? Je ne suis pas du genre à me faire approcher par n'importe qui, d'ailleurs. Cela n'a suffit pour le convaincre, néanmoins.
    Inquiet, je recule un peu quand il semble hésiter. Je peux lui laisser le temps qu'il faut, s'il en a besoin. J'aimerais seulement pouvoir faire quelque chose pour l'aider, mais je crains de le rendre encore plus confus par ce biais. Je le laisse remettre de l'ordre dans ses idées pour préparer ce qu'il a à dire. Mais mon cœur rate cette fois un battement. Les yeux ronds, je l'observe avec un air des plus surpris, comme s'il avait quelque chose d'étrange sur le visage. Il n'en est rien. Je suis seulement abasourdi par ce qu'il vient de me dire.

    « Oh... »

    Il... m'aime ?.. Je ne pensais... pas réellement qu'il allait le dire. Je pensais... Je pensais qu'il allait plutôt ne jamais aborder le sujet. Il fallait déjà savoir qu'il ressentait quelque chose pour moi, et ça... J'avais du mal à l'envisager sérieusement, aussi. J'aimais à l'imaginer, mais me rendre compte que c'est vraiment vrai, ça fait quand même un drôle d'effet. Mes joues reprennent des couleurs intenses, comme si on y avait mis du maquillage. Je serre un peu l'herbe sous mes doigts, me persuadant que je ne rêve pas tout ce qui arrive. Cela fait un peu peur, de voir un rêve se réaliser ; comme si on avait jamais prévu que ça se produise. Je devrais donc répondre 'moi aussi'.

    « Cela me touche beaucoup. »

    Maaaais au lieu de ça, je finis par être gênant et à dire n'importe quoi. Un vent frais vient caresser mon dos, comme pour m'encourager à continuer.

    « Tu as le droit d'avoir envie de m'embrasser. »

    Timidement, comme si ça servait à quelque chose, je remets une mèche rebelle derrière mon oreille, en baissant légèrement le regard . Au moins, lui, a réussi à se calmer. Mais je peux comprendre qu'il ait eu du mal, maintenant que j'y pense. Ce n'est pas facile de se confesser à la personne qu'on aime. Moi-même, j'ai du mal, au final. Mais... Je suis heureux qu'il m'ait avoué ses sentiments. Oui, très heureux, même. Je ne peux pas me rendre compte tout de suite, mais je sais que ce n'est pas rien ce qui est en train de se passer. Ma poitrine se met à battre de plus en plus. J'aurais presque envie de pleurer sous le coup de l'émotion, mais mes yeux ne sont pas humides du tout. Cela viendra sans doute demain soir, quand je me repasserai les événements de la veille en tête ; à commencer par ce baiser dont le souvenir, même récent, me hante.

    « C'est la première fois que quelqu'un est amoureux de moi. »

    J'essaye de détendre un peu l'atmosphère pour le mettre plus confortables. Je me rends compte que c'est plus difficile de trouver les mots quand je n'avais pas prévu qu'il les balance tous, et qu'en plus on pensait à la même chose. Un sourire amusé aux lèvres, je me détends moi-même progressivement.

    « Et... C'est aussi la première fois que j'embrasse une nymphe. »

    Un discret gloussement m'échappe. Il fallait bien que je sorte une bêtise pour lui dire que je ne vais pas le tuer suite à ce qu'il a fait. Au contraire, je... J'en redemande. Autant qu'il veut. Mais je ne peux pas juste lui dire ça comme ça ; il va se remettre à paniquer, sinon, et j'aimerais bien éviter (quand bien même ça paraît inévitable)). Au moins, je lui laisse un peu d'espace pour respirer si nécessaire, mais je ne me trouve pas très loin, prêt à sa moindre demande. Je... Je me confesserai à mon tour. Mais pas maintenant. Je veux au moins qu'il reprenne un peu son calme.

    « Pourquoi est-ce que tu m'as embrassé ? »

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    C'est fait. Maintenant que c'est dit, il n'y a plus vraiment de retour en arrière possible, et je suppose que je devrais vivre avec l'embarras de mes propos pendant un moment. Un jour, j'espère que cela me passera et que ce ne sera plus qu'un souvenir qui me tirera, au pire, un rire gêné. Car pour le moment, je me sens davantage résigné et désabusé qu'autre chose. Ce n'est pas plus mal si cela le flatte, mais... Enfin. Je préférerais qu'il ne s'attarde pas là-dessus. Que l'on parle d'autre chose. Que l'on... Fasse comme si de rien n'était, oui. Ce serait mieux.  
    Je me retiens de lui dire que je n'ai plus vraiment envie de l'embrasser : si je l'ai fait tout à l'heure, c'est car l'incertitude et le silence dans lequel nous étions à ce propos me permettait de ne pas penser au reste. Maintenant que c'est dit... L'idée me fait plutôt de le peine. Je n'ai pas vraiment envie qu'il me prenne en pitié, ou... Je ne sais pas. Je n'en sais pas grand chose, et pour l'instant, il n'y a qu'un poids lourd et désagréable dans ma poitrine. Tant mieux pour lui... ? Je ne sais pas vraiment quoi répondre à ses remarques. Elles auraient tendance à me vexer, plutôt, si j'en crois les belladones qui ont pris la place des violettes. Et en l'entendant reposer la même question que tout à l'heure, je fronce les sourcils d'un air dubitatif.

    « … Je viens de te le dire. »

    Mon ton est plat. Je ne vois pas pourquoi répéter les mêmes choses serait utile, encore moins quand ce fut déjà pénible à évacuer. Je n'ai de toute façon pas envie de m'attarder à ce propos, vu comme la plaie est sanguinolente. Au contraire. L'expression et le regard neutre, s'étant renfermés au cours des secondes, c'est d'une voix calme mais indifférente que je reprends la parole.

    « … Faisons comme si de rien n'était. Cela... Finira bien par me passer. Ce sera plus simple pour tout le monde. »

    Mon regard s'éloigne brièvement. Pour moi, pour lui, pour les autres. Maintenant que tout cela est dit, j'ose espérer que la peine et le malaise dans ma poitrine finiront par éteindre toutes ces choses qui n'ont fait que me rendre confus depuis ces derniers mois. Peut-être récupérerais-je même un semblant de raison.
    J'hésite à me lever et à m'éloigner. Pour l'instant, c'est une idée tentante : je pourrais aller marcher seul afin de me vider l'esprit, ou... Trouver quelque chose à faire jusqu'à tomber de fatigue une fois rentré. L'un comme l'autre me va. Je ne veux juste pas réfléchir davantage ou parler de ça. Le regard porté vers un point sur la droite, je finis par me redresser, m'époussetant sans grande conviction.

    « Je vais rentrer, si tu le veux bien. »

    L'expression fermée et aussi neutre que possible, je ne meure plus d'envie que de ça. Si je lui 'demande', c'est avant tout pour ne pas me montrer trop brusque ou le forcer à revenir avec moi. Mais je ne veux plus que cela : rentrer et de me noyer dans le travail jusqu'à ce que toute cette... Charade, si je puis dire, ne se tranquillise. J'espère qu'il oubliera vite mes actions ; car, personnellement, elles commencent à me faire honte.

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    Quelque chose s'est brisé. Pourquoi lui ai-je reposé la question ? J'avais déjà eu ma réponse. Je ne sais pas ce qui m'a pris. J'étais ailleurs. Encore sonné par ce qu'il m'avait avoué. Mais je comprends que j'ai fait une bêtise. Cela se sent dans son changement de ton, de comportement. Évidemment que ça l'a agacé, puisqu'il était déjà gêné de me le dire une première fois, c'était idiot que je le fasse répéter. Est-ce qu'il a mal pris ce que je lui ai dit ? Est-ce qu'il a cru que je faisais un cas à part de son espèce ?
    Non... Ne pars pas.
    Il veut oublier. Faire fondre ses sentiments comme s'ils n'avaient jamais existé. C'est pourtant tout le contraire que je voulais lui apprendre, que j'essayais de lui expliquer. Je ne veux pas qu'il refoule. Je ne veux pas qu'il perde espoir et fasse comme si ses émotions ne comptaient pas, encore moins quand ces derniers sont réciproques et que la solution n'a pas à être compliquée. Je ne veux pas que ça lui passe. Je ne veux pas qu'il oublie. Il ressent quelque chose pour moi. Je n'aurais jamais pu espérer mieux, et pourtant j'ai... J'ai tout gâché ?..
    Je ne peux que le regarder se lever avec cet air triste, déçu et blessé. Surpris, je le scrute d'un air interdit sans savoir comment réagir. Les mots me manquent, alors ils se sont muets. Qu'est-ce qui est en train de se passer ? Pourquoi est-ce que ma bouche refuse de parler ? Pourquoi est-ce que mon corps refuse de bouger ? Pourquoi est-ce que je le laisse partir alors que je veux le faire rester ?
    Reste.
    Mais il s'en va. Parce que je ne dis rien. Je... ne le mérite pas. Qu'ai-je fait pour qu'il m'aime ? Pour que j'ai le droit de me faire aimer ? Je n'ai fait qu'une succession d'erreurs. Ce soir encore alors que je le laisse s'en aller devant mon silence, j'ai encore fait une bêtise. Mais je n'arrive pas à le retenir. Il m'échappe et s'éloigne, disparaissant dans la nuit alors que je le laisse rentrer au château et que je reste planté sur place. Je sens ma poitrine se comprimer. Les larmes me monter. Me voilà seul. Je l'ai mérité. Eeh... Je suis pathétique.

    J'ignore combien de temps je suis resté là. J'ai attendu que les lumières de la ville en contre-bas s'éteignent les unes après les autres pour me décider enfin à rentrer. La lune, heureusement, éclaire ma route et je rentre à mon tour, le pas toutefois lent et la mine basse. J'ai séché mes yeux qui voulaient être humides. Ma tête me fait mal. Mon cœur me fait mal. Mais je ne souffre pas autant que la personne qui vient de me quitter. Et que j'aime pourtant d'un amour sincère et profond. Un amour que je n'ai pas su lui transmettre. Croyant avoir la situation en main, mon manque d'expérience a fini par parler pour moi et j'ai fait tout de travers quand il commençait enfin à être sincère et à me révéler ce que je rêvais d'entendre de sa part. Je dois au moins m'excuser de m'être comporté comme ça. Je ne veux pas qu'il retourne travailler. Je sais qu'il aura du mal et qu'il repensera probablement à ce qui s'est passé. Moi, en tout cas, je n'arrêterai pas d'y penser. Je dois au moins lui dire ce que j'ai sur le cœur.

    Je me mets à courir. Courir pour atteindre le château qui n'est plus très loin. Pour atteindre ces escaliers puis ces couloirs qui mènent jusqu'à son bureau. J'en perds haleine, toutefois mes jambes accélèrent le rythme, comme si cela me permettait d'arriver jusqu'à lui plus vite. Ma poitrine tambourine. Je sais ce qu'il ressent mais je commence à avoir peur. La nervosité monte alors que je sais m'approcher de sa position. Que vais-je dire ? Comment va-t-il réagir ? Est-ce qu'il le prendra mal ?..
    Essoufflé, j'arrive finalement devant l'entrée de son refuge où il a l'habitude de travailler. En vérité... Je ne sais pas s'il y est vraiment, mais je sais qu'il s'y cache quand il a besoin de penser à autre chose. Se jeter dans le travail lui permet de ne pas se focaliser sur ce qui le tracasse. Alors je prie pour qu'il soit bien ici. Ici ou dans notre chambre, à laquelle je ne peux définitivement pas retourner tant que ce problème ne sera pas réglé. J'attends quelques secondes pour me laisser l'occasion de reprendre mon souffle. Ma gorge commence à se nouer. J'hésite à toquer à la porte. Mais rendu là, j'imagine que je n'ai pas d'autres choix. C'est maintenant ou jamais. Maintenant ou je le perds. Alors je frappe. Puis, je me permets d'entrer. Je ravale ma salive en l'apercevant, fermant la porte derrière moi. Je m'approche ensuite de quelques pas lents. Même à ce stade, pourtant, les mots sont difficile à trouver. Un discret soupir finit par m'échapper. Je ne peux pas tomber plus bas que ce que je suis déjà.

    « Je suis désolé. Ce n'est pas ce que je voulais dire, tout à l'heure. »

    Pas comme si c'était la seconde fois de la journée que ça m'arrivait en plus, hein. Crétin.

    « Je ne suis pas doué pour exprimer ce que je ressens. »

    Ce n'est pas le seul qui ait du mal à ce niveau, apparemment, hein ?..

    « C'est la première que quelqu'un tombe amoureux de moi, mais... »

    Hé... Comment dire... Je ne sais pas si ça n'est pas déjà arrivé, en vrai, mais... On ne peut pas dire que j'ai entendu beaucoup de confessions. Sans un mot, je viens quand même tenter une approche physique. Restant dans son dos, j'entoure doucement ses épaules avec mes bras. Puis, je me remets à parler peu de temps après.

    « C'est aussi la première fois que je tombe amoureux de quelqu'un. »

    La pièce est silencieuse. À défaut de ne pas forcément comprendre ce que je veux dire, cela me permet au moins de bien me faire entendre. Et j'en ai besoin pour ce que je vais lui dire ensuite.

    « Moi aussi... Je t'aime. »

    Ce n'est pas pour rien que ça me faisait plaisir qu'il me dise ce qu'il ressentait. Que j'ai senti mon cœur rater un battement. Que cela m'a fait bizarre et que je n'ai pas su réagir correctement malgré l'assurance que j'essayais de faire croire.

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    Ce soir est un désastre. J'ignore comment j'ai réussi à gâcher ce qui devait être une bonne sortie réconfortante ; sans nul doute en me comportant comme un adolescent puéril ne sachant pas se retenir. J'aurais dû... J'aurais dû me taire. Garder le silence, ne pas l'embrasser, et... Et m'excuser de manière plus claire et concise. J'ai beau avoir enfoui mes yeux et ma tête sous les parchemins, les images de cette soirée remontent dans mon esprit comme autant de piques acides et froides. Je m'efforce pourtant de ne pas y penser : il ne faut pas que j'y pense. Il faut que j'arrive à me concentrer de nouveau. Que je redevienne efficace et productif. Que je ne sois pas parasité par des pensées qui ne feront que me compliquer la tâche alors que je dois avant tout me concentrer sur ce qui m'entoure, et non sur moi-même. Je ne veux pas non plus penser au fait qu'il faudra bien que je retourne dans la chambre à un momen donné ; inconsciemment, j'en viens à espérer de tomber de fatigue pour retarder au maximum l'échéance. Je regrette. Je regrette, mais je ne peux pas changer ce qui s'est passé. Je peux simplement... Attendre que cela passe. Mais mon regard se perd sur ma plume qui, de temps à autre, s'arrête.
    J'espérais avoir la paix pour ce soir. Je n'aurais de toute façon pas été d'humeur à supporter grande présence, alors j'avais fait partir les gardes surveillant mon bureau et avait indiqué que je n'étais pas disponible. Logiquement, personne n'aurait donc dû venir.
    J'avais, temporairement, oublié qu'une seule autre personne en avait la possibilité, et que c'était précisément celle que je cherchais à éviter le plus.

    Alors lorsque l'on frappe à la porte, ma main se crispe autour de ma plume. Je n'ai pas besoin de demander pour savoir de qui il s'agit ; mais ce n'est pas pour cette raison que je ne relève pas mon regard. La nervosité remonte dans ma poitrine comme un uppercut me coupant la respiration. Tendu, je ne dis pourtant pas un mot. Je n'ai pas la sensation qu'il est venu pour m'entendre parler, alors je m'assurer de garder mon regard fixé sur mon bureau et de simuler l'indifférence autant que possible. C'est loin d'être évident.

    Ses excuses ne me surprennent pas, quelque part. Je reconnais là sa manière de se rendre coupable alors que, de base, j'estime que tout est de ma faute. Mais je ne dis rien sur l'instant, voulant le laissant s'exprimer. Je ne comprends pas vraiment ce qu'il veut dire, toutefois, hormis qu'il semble mal à l'aise et incertain. Cela ne m'étonne pas. Dans quelle situation embarrassante je l'ai mis... Je devrais avoir davantage honte. De ce que je comprends, il n'a en plus pas l'habitude de gérer ce genre de situations. La culpabilité remonte à mon esprit, passant comme un courant d'air froid dans ma poitrine.
    Je suis vraiment désolé.
    Sa présence dans mon dos est ambivalente, et lorsque je le sens se rapprocher, j'ai le réflexe de me tendre. Mon calme, même inconsciemment, est en train de trébucher. Je ne comprends plus rien à ce qui se passe. Mes certitudes ne le sont plus, et je ne saurais même pas dire si la sensation de ses bras autour de moi m'angoisse ou me rassure. Pourquoi fait-il ça ? Par pitié ? Pour me calmer ? J'ai du mal à le saisir. Je ne sais pas si j'ai envie de comprendre. Tout s'embrouille dans mon esprit et la suite n'arrange rien.
    Non. Non, c'est faux.
    Mon esprit a une réaction de rejet. Comme si je bloquais, comme si ce que j'entendais n'était pas acceptable du fait de la conception des choses que je m'étais faite, et que découvrir que tout cela était faux me paralysait trop d'angoisse pour que je puisse concéder. Je n'arrive pas à prendre son aveu comme une vérité, ou même à m'en réjouir. Au lieu de cela, ravalant ma salive, le regard rivé et fixé sur mon bureau, je n'arrive qu'à parler de manière mécanique et détachée.

    « … Inutile de me prendre en pitié. Je... Saurai m'adapter. »

    Je ne veux pas y croire. Quelque chose dans mon esprit bloque. Refuse. Je ne peux comprendre ses mots que comme quelque chose qu'il dit pour me réconforter, comme si j'étais tellement pathétique qu'il fallait en arriver à de telles extrêmités. Je ne me rends pas compte que ma façon de pensée n'a aucun sens, et que ma panique est ce qui parle à l'heure actuelle. J'ai beau simuler le calme et le contrôle de moi-même, il n'en est rien intérieurement. Je me voile simplement derrière un masque de façade alors que le nœud de ma poitrine se fait tellement serré qu'il m'étoufferait presque. Je peux sentir la lourdeur dans ma gorge, dans mes muscles.

    « Je ne désire pas que tu mentes pour... »

    … Pour me réconforter. Car je ne peux pas imaginer que quelqu'un que j'aime puisse ressentir la même chose. Je ne vois pas pourquoi. Je suis ce que je suis. Une nymphe incapable de la plupart des comportements ordinaires. Mais je n'arrive pas à finir ma phrase. Quelque part au fond de moi, pourtant, je dois savoir qu'il y a peut-être plus de vérité que cela a ses propos. Sûrement est-ce pour ça, par conséquent, que je cherche des justifications. Des excuses. Des manières de trouver une raison qu'il pourrait avoir à me mentir.

    « ... Te forcer, ou du fait que l'on soit mariés. »

    Je le sais, au fond de moi. Je sais que tout ce que je raconte est faux. Mais ma main autour de ma plume se met à trembler, et ma voix perd progressivement de sa (fausse) assurance. Alors je cherche des arguments ; mais ils sont bien maigres, et c'est de s'en rendre compte qui fait s'effriter progressivement la pseudo-stabilité que j'ai tenter de m'imposer à moi-même. Mais, dans ma poitrine, je peux  le sentir. Mon cœur se serre à chacun de mes mots.

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    J'espérais que ça le calme un peu. S'il me rejette... Je l'aurais bien mérité. Mais je tenais à confesser ce que je retenais pour moi depuis des semaines maintenant. Même si je fais face à un refus, au moins, je n'aurais pas de regret ; et en dépit de ce qui s'est passé tout à l'heure, c'est comme si un poids s'était enlevé de moi. Ma poitrine est moins lourde. Cassée, mais légère. Mais je ne veux pas le perdre, même s'il m'en veut. Je veux le garder auprès de moi. Je ferais n'importe quoi pour ça. Alors quand il réfute mon affection, je ne peux qu'être surpris de la façon dont il considère mes sentiments. Interdit, je m'éloigne un peu de lui, libérant ses épaules. Mon cœur se serre devant ses propos. Il est peiné, je le vois bien. Il ne doit pas se rendre compte de ce qu'il dit. Est-ce qu'il pense vraiment que je fais tout ça par pitié pour lui ?.. Je sais que non. Je fais confiance à mon cœur quand il réagit de cette façon. Et il se serre en observant ses traits blessés. Il n'a pas à se faire du mal ainsi. Ma main serre mon haut, tandis que je me débarrasse finalement de cette capuche sur ma tête. J'ai repris un air sérieux mais décidé. Un ange passe, mais ma voix est pourtant calme et posée.

    « Nous avions un accord sur notre contrat de mariage. Nous pouvions voir qui nous voulions et il n'y avait aucune obligation conjugale entre nous. Je n'ai pas à me forcer sur quoi que ce soit, et tu n'as pas à le faire non plus. »

    Mon regard s'abaisse sur l'alliance que j'ai gardé tout ce temps. Je n'ai pas à la conserver non plus quand personne ne nous voit, mais je n'avais pas de raison de l'enlever non plus. Cela me permettait de rester focaliser sur l'aspect mensonger de notre relation. C'est loin d'être faux, aujourd'hui, mais nous ne pouvions pas le savoir, à ce moment-là.
    En silence, j'enlève cette anneau à mon annulaire que je n'ai jamais retiré pour la déposer sur son bureau.

    « Ce n'est pas seulement mon futur époux que j'ai rencontré ce jour-là. J'ai aussi rencontré un homme que j'ai appris à connaître. »

    Je viens ensuite m'agenouiller à ses côtés pour relever mon visage dans sa direction.

    « Cette sortie n'était pas anodine. Je cherchais réellement à... à te séduire. »

    Mes joues deviennent rouges à cette idée, car l'énoncer la fait devenir saugrenue. C'est vrai que je suis un très grand charmeur, hein... Malgré tout, j'esquisse un très mince sourire en pensant au fait que... Je n'en avais pas besoin.

    « J'ignorais que j'avais déjà réussi. »

    J'ignore aussi comment, d'ailleurs. Je n'ai pas grand chose d'intéressant, après tout. Je n'ai pas son calme, sa sagesse, son sérieux, ses connaissances, sa douceur... Je suis une brute qui ne sait pas tenir en place et qui a toujours préféré faire l'école buissonnière plutôt que d'écouter ses professeurs particuliers, alors tu parles d'un cadeau.

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    Je ne réagis pas d'une manière rationnelle. J'en ai bien conscience. Mais je fais, inconsciemment, un blocage. Comme si mon esprit refusait d'accepter ce qui était en train de se passer. Il n'a pourtant pas tort, quand il reprend la parole après s'être éloigné. Il ne s'est jamais forcé à rien et moi non plus, au contraire. Nous faisions même tout pour limiter nos interactions, du temps où nous n'étions même pas à peu près amis. Mais je... Je ne sais pas. Je craignais de l'embarquer dans une situation qui ne lui plaisait pas, car il s'agissait d'une peur que je gardais au fond de mon ventre. Mouché mais silencieux, mon regard s'abaisse brièvement. J'ai du mal à admettre qu'il n'a pas tort. Mais il faut croire que je cherche des raisons pour me rendre coupable d'à peu près tout.
    Si je ne dis rien en le regardant retirer son alliance (je n'ai aucune affection envers ces choses), c'est davantage son expression qui attire mon attention. Le regard osant enfin se poser sur son visage, si je reste muet, c'est un nœud qui se bloque dans ma gorge. Un nœud étrange, comme un mélange de tristesse et d'émotion floue. Ce qu'il dit me rassure et me surprend en même temps. Je ne sais pas comment répondre, alors mon expression reste figée. Je suis encore... Encore sous le coup du choc, je crois. Même sa plaisanterie ne me tire pas de mon état de semi-inconscience. Sonné, je n'ose pas reprendre la parole. Pas tout de suite, du moins.

    J'ai besoin de ravaler ma salive. De souffler, d'inspirer, de poser mon regard sur un point invisible dans l'air afin de ne pas céder à la panique. Mais son calme me tranquilise, assez du moins pour que je commence à réaliser, petit à petit, qu'il n'a aucune obligation de me mentir. Et, lentement, les secondes passent. Les secondes passent, et le bourdonnement désagréable dans ma poitrine se tasse. J'ai la sensation de commnencer à y voir plus clair.
    Alors, enfin, j'arrive à reconnecter mes pensées entre elles. Avec lenteur, je finis par porter ma main sur mon propre annulaire pour y retirer l'anneau qui s'y trouve et le mettre à côté de celui de mon homologue. J'ai, souvent, tout fait pour ignorer son existence. Le jour de notre mariage, il me dégoûtait ; c'était comme si il me brûlait la peau. Maintenant, il m'indiffère, au mieux. Mais... Je ne veux pas lui parler avec ça. Je veux...

    « … Excuse-moi. »

    M'excuser. Mais pas pour les mêmes raisons, cette fois. La gorge sèche, je me force toutefois à reprendre la parole. Il faut que je le fasse.

    « Je... Ne voulais pas nier tes émotions. »

    Ce n'est pas très agréable. Loin de là. Je ne me rendais pas compte quand je le faisais que c'était la conséquence de mon comportement, même si ce n'était pas mon intention. Lentement, je me relève alors de ma chaise pour venir m'agenouiller à ses côtés. Je n'aime pas rester assis pendant qu'il se positionne de cette manière. Je veux... Me mettre à son niveau. Etre aussi sincère qu'il ne l'est, même si cela m'est difficile.

    « Je ne... Sais pas comment gérer tout cela. M-mais... »

    J'hésite. Je ne suis pas exactement sûr de la bonne décision à prendre. Je crois qu'il n'y en a pas, hormis celle que je pense. Alors je parle à nouveau, relevant enfin mon regard vers le sien pour porter une main incertaine vers la sienne.

    « … Je veux essayer. »

    Il m'est difficile de parler ainsi. Mais c'est, en tous cas, la vérité.

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    J'attends sa réaction, fébrile mais patient. Avec Natsume, il ne faut surtout pas être brusque. Il a besoin de temps et de calme. Je lui laisse volontiers, mais j'espère ne pas avoir empiré la situation. En silence, je le vois poser son alliance près de la mienne. Il semble avoir compris mon geste. Sans nos anneaux, nous ne sommes plus des mariés. Nous n'avons plus aucune obligation. Ce n'est que symbolique, mais mine de rien ce genre de bijou pèse lourd, quand il y a des choses à assumer derrière. Je voulais juste ce soir lui parler à cœur ouvert, de personne à personne et pas entre époux. Je l'aime d'un amour sincère qui n'a rien avoir avec le mariage que nous avons arrangé. C'était juste une étrange coïncidence que nous finissions par tomber amoureux l'un de l'autre. Si je l'admire pour des tas de raisons, je ne vais pas dire que rester avec lui n'a pas aidé ; au contraire, cela m'a forcé à le connaître et j'ai pu apprécier chacune des facettes que je lui ai découverte. Alors je suis heureux que le destin nous ait réuni au final, même si d'autres moyens auraient sans doute été plus sains.

    Il vient à ma hauteur pour me parler, délaissant son fauteuil. Je suppose que cela le met plus à l'aise. Mais je ne lui en veux pas pour avoir cru que je lui mentais. Quelque part, je craignais qu'il ne fasse la même chose. Par gentillesse ou maladresse, il aurait pu me dire qu'il m'aimait, même si je sais qu'il ne m'a jamais menti. Il a toujours été honnête, avec moi, peut-être bien plus qu'avec d'autres. En plus, ça n'a pas dû être simple, pour lui, ce soir, je n'ai pas été très clair sur mes intentions à son égard ni sur ce que je ressentais pour lui. Si je lui avais dit directement ce que j'éprouvais, nous n'en serions pas là. Je sens à son regard qu'il est aussi perdu que moi. Mais je ne suis pas inquiet. Et il veut quand même faire ce chemin avec moi. Sentant sa main sur la mienne, je souris, timide mais heureux. Surtout soulagé, à vrai dire. Mon cœur se remet à battre la chamade. Avec tous ces enchaînement j'en avais oublié de me rendre compte de ce que ça signifiait. Cela veut dire que... On est ensemble. Que l'on veut établir une relation amoureuse basée non plus sur un contrat de mariage mais sur des sentiments profonds et honnêtes. Et cela m'enlève un gros, très gros poids sur la poitrine. Je me permets donc de l'enlacer de nouveau, plus tendrement cette fois.

    « Nous y arriverons. Ensemble. »

    Les sentiments que j'ai me faisaient peur au début. Je ne savais pas où ils allaient m'amener. Mais maintenant qu'ils m'ont porté sur une route positive, je veux continuer sur cette voie en compagnie de Natsume et construire quelque chose avec lui. C'est devenu mon nouveau rêve. Et je ne peux pas trouver meilleur second roi pour mon royaume.

    « Il ne doit plus y avoir grand monde encore debout. Est-ce que tu as faim ? Ou tu es plutôt fatigué ? »

    Lentement, je me détache un peu de lui pour me relever, l'invitant à faire de même. Mes mains sont toujours dans les siennes.

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    Je ne sais pas si l'incertitude disparaîtra lentement ou non. Je commence à comprendre qu'il y a de fortes chances pour que cela ne soit pas le cas. Mais... Je peux faire avec, ne serait-ce que pour lui. Heureusement, notre enlaçade me détend progressivement. Son odeur apaise mes sens et ralentit mon rythme cardiaque. Timidement, j'ose venir porter mes bras autour de sa poitrine à mon tour, le nez plongé dans son haut, respirant plus régulièrement. Je... Ne réalise pas encore pleinement tout ce que cela signifie. A vue de nez, peu de choses. Mais dans les faits... Dans ce que je ressens, c'est très différent. Dans la manière dont je vais vivre les choses, également. Le poids dans ma poitrine s'est adouci. Alors, en silence, je hoche de la tête pour lui signifier mon accord. Mes doigts se serrent autour des siens alors que je me relève.

    « Je... Je n'ai pas vraiment faim. Je suis plus... Fatigué. »

    Je me vois mal manger alors que j'ai l'estomac dans un état pareil. Enfin, je ne sous-estimerai pas sa capacité à entamer une cuisse de poulet au beau milieu de la nuit, me direz-vous (des fois, je me demanderais presque ce que je lui trouve). Mais je mentirais si je disais que le sommeil ne me faisait pas envie à une heure pareille, et après tant d'émotions.  Enfin, cela et...

    « Je... Est-ce que j'aurais le droit de dormir contre toi... ? »

    Ma voix est hésitante. Ce n'est pas grand chose, certes, mais... Après tous ces mois passés, le fait de ne jamais pouvoir le prendre dans mes bras au réveil était assez pénible à supporter. Alors je veux... J'aimerais bien pouvoir le faire. Ce ne serait pas une conclusion désagréable à cette soirée.

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    Je le laisse m'entourer à son tour de ses bras, me blottissant un peu plus contre lui. J'ai... un peu posé cette question au hasard, pour lancer un sujet. Nous n'avons pas beaucoup mangé en soit tout à l'heure, mais c'est vrai que je ne ressens pas trop de faim moi non plus, pour une fois. Il n'y a que ces papillons dans mon ventre qui s'agitent et volent, enfin, librement. Évidemment que je ne peux que hocher la tête quand il demande à pouvoir dormir contre moi. Moi aussi, j'en ai rêvé depuis des semaines. Je devais me retenir de le serrer dans mes bras alors qu'il dormait paisiblement. Il y avait une part de torture à aimer quelqu'un qui se trouve dans le même lit que le sien mais sans pouvoir le toucher. Cette fois-ci... Je vais pouvoir le faire. Je vais pouvoir me coller contre lui pour sentir son odeur et sa chaleur. L'avoir rien que pour moi.
    Un moment donné, Livie le saura. Mais iel n'a pas besoin d'être au courant maintenant. Je m'en veux un peu quelque part de lui piquer quelqu'un sur qui iel avait des vues depuis des années, mais ce n'est pas ma faute si Natsume n'a jamais éprouvé quoi que ce soit de similaire pour son ami.e. Alors je profite de sa présence, sentant mon corps s'apaiser progressivement.
    Prenant sa main, je lui fais signe de me suivre hors de la pièce, le guidant dans le couloir. En passant devant les gardes, j'esquisse un clin d'œil malicieux et complice. Ils ne m'ont pas tout de suite reconnu avec la capuche, alors ils ne voulaient pas me laisser rentrer dans le bureau de Natsume. Mais dès qu'ils ont vu mon vrai visage, ils se sont tout de suite ravisé, gênés. C'était plus drôle qu'autre chose, quand j'y pense, mais sur le moment, je n'avais pas trop la tête à rigoler. Le château est toutefois désert à cette heure-ci et nous prenons la direction de la chambre sans trop de difficulté. J'imagine bien que le chambellan Shimomura veille quelque part, mais il se fait toujours très discret, comme une ombre. La pièce à coucher devient un peu comme notre sanctuaire ; personne hormis nous n'y entre. Quand j'y pense, ce sera un peu l'un des seuls endroits où nous pourrons être nous-mêmes, maintenant que nous... sommes dans une vraie relation.
    Lorsque je me glisse dans les draps, j'attends que mon ami me rejoigne avant d'ouvrir grand les bras, lui faisant comprendre qu'il peut s'y blottir sans souci. Je me sens... étrangement apaisé. Les premières nuits passées en sa compagnie ont été bien des choses mais pas agréables. Pas à cause de lui, mais en raison surtout de la situation dans laquelle nous étions. Heureusement, il a tout fait pour ne jamais me mettre mal à l'aise par rapport à ça, et je l'en remercie. C'est drôle aujourd'hui de savoir que j'attendais avec impatience le moment du coucher pour me donner une raison d'être auprès de lui physiquement. Et maintenant... Maintenant je n'aurais plus besoin d'excuses. Il sera là. Et je compte bien tout faire pour le garder aussi longtemps que possible. D'ailleurs, quand il vient s'installer sur le matelas, mes bras l'entourent déjà comme si j'avais peur qu'il ne m'échappe.

    « Je suis heureux... de t'avoir rencontré. »

    Un sourire aux lèvres, je ferme les yeux en me mettant à caresser ses cheveux. J'ose prendre quelques petites libertés, j'espère qu'il ne m'en voudra pas pour ça. Il est vrai que je suis un peu fatigué, moi aussi. La journée a été lourde, en un sens. Elle ne m'a pas déplu, mais... elle fut chargée. Alors je ne tarde pas à m'endormir, laissant mon corps fondre dans le sommeil. Et pour la première fois, ce lit ne me semble ni trop grand, ni trop petit.

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    La tête plus légère, je sens malgré tout le voile de fatigue qui recouvre lentement mes pensées. J'ignorais que j'étais à ce point épuisé – ou du moins, je l'ignorais autant que possible pour tenter de pousser mes limites. Mais dès lors que je me retrouve lové contre l'autre (je peine encore à mettre un nom sur l'état de notre relation), je peux sentir mes muscles s'alourdir, comme si j'allais m'enfoncer d'un instant à l'autre dans le matelas. Le regard vague, je le relève toutefois brièvement sur son visage. Il a l'air... Heureux... ? Je crois que c'est le cas. Une sensation chaleureuse dans la poitrine, j'esquisse le début d'un sourire malgré ma fatigue grandissante. J'aime le voir ainsi. Je n'ai plus envie de le rendre triste par mes idioties.
    Et ses mots, au moins, me le confirment. L'expresson douce, je laisse ma tête se coller contre sa poitrine, écoutant les battements de son cœur pour me bercer vers le sommeil. Je me sens bien. Détendu, reposé. Avec lenteur, et alors que je me sens peu à peu m'endormir comme c'est le cas pour lui, je prends toutefois le temps de déposer un baiser sur une de ses joues, le regard luisant de tendresse.

    « Je t'aime. »

    Je n'en ai plus honte. Maintenant, ces mots me sont agréables à prononcer. Je sais que j'aurai sans doute l'occasion de les redire bien des fois.

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