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    Le dragon protecteur d'Yggdrasil s'est réveillé. Au milieu du mariage de Gaston et Camélia, souverains d'Altissia et Caldissia, la statue figée depuis un millénaire a quitté son socle pour arpenter le ciel de la cité. De son rugissement puissant, il a fait appel à des monstres sauvages pour encercler Yggdrasil, rendant les entrées et sorties en son sein impossibles. Progressivement, les vivres viennent à manquer et les stocks se vident sans pouvoir se remplir...
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    Je n'ai pas tout de suite compris. Il m'a fallu un moment -et un peu d'aide de ma mère- pour savoir ce qui m'arrivait. Mon cœur essayait de me parler, mais je ne pouvais pas l'entendre. Je ne saisissais pas ce qu'il voulait me dire. Je n'ai jamais su comment interpréter son langage, car je n'ai jamais eu à le faire. J'ai éprouvé de l'admiration, des béguins passagers, mais... L'amour le plus passionnel, je ne le connaissais pas. Jusqu'à ce jour. Quand j'ai senti ma poitrine battre fort. Très fort. Quand j'ai commencé à sourire bêtement le matin quand il était la première chose que je pouvais voir en me levant. Quand j'ai commencé aussi à me lever même un peu plus tôt pour le regarder dormir d'un air paisible, parfois écarter chastement quelques mèches de cheveux lui tombant sur son visage d'ange. Je me suis mis à ne regarder personne d'autre que lui, à peiner à comprendre pourquoi tout le reste semblait invisible à mon regard. 'Vous pouvez aller avec qui vous voulez' qu'il m'a dit avant notre mariage. Mais je ne le voulais pas. La perspective de savoir que je m'endormirai toutes les nuits à ses côtés avait quelque chose de grisant et me faisait autant sourire que rougir quand je le réalisais. Si je lui avais permis de prendre un autre lit, le premier soir où nous avons dormi ensemble, je suis heureux aujourd'hui qu'il ne l'ait pas fait, car cela aurait voulu dire que nous serions resté loin de l'autre. Une perspective qui ne me gênait nullement alors, me rassurant plutôt, mais qui aujourd'hui me frustrerait à envisager. Tant qu'il ne s'éloigne pas, cela me va. Dans le lit, durant la nuit, il m'est arrivé de me rapprocher, lentement, discrètement, le plus près possible de Natsume pour espérer, au réveil, qu'il ne me rejette pas. Jusqu'à présent, il ne l'a jamais fait. Peut-être qu'il s'en fiche, de tout ça. Il ne sait pas que j'ai fini par... l'aimer, oui, plus que ce que j'aurais cru. L'aimer réellement comme nous sommes supposés le fausser en public. J'ai craint au départ que ça ne soit qu'un effet étrange de ce mariage arrangé, comme si je m'étais forcé. Mère m'a rassuré. Elle m'a bien observé. 'Ce sont des sentiments, pas de doute'. Pas de doute mais en revanche des tas de questions, beaucoup d'appréhension, et énormément... d'imagination. Ma tête tourne au grès de mes fantasmes les plus inavoués. Peut-on me blâmer ? J'ai jeté mon dévolu sur quelqu'un qui ne semble pas du tout intéressé par ça. Si j'ai pu percer une partie de sa carapace, je sais qu'il y a des lignes que je n'ai pas encore franchies.

    « Pour encourager les gens à faire la paix, j'ai instauré une foire annuelle pour laisser le peuple s'amuser en l'honneur de la trêve. Tu veux venir voir ? »

    Il fait encore beau dehors. Nous avons un peu de temps devant nous aujourd'hui. Depuis le balcon de notre chambre (et il est étrange de l'appeler ainsi alors que pendant si longtemps ce fut la mienne à moi seul), je regarde au loin les stands et échoppes qui s'étalent à travers la ville en formant une ligne qui va d'un bout à  l'autre de notre capitale. Je suis de bonne humeur, aujourd'hui. En effet, j'ai quelques projets en tête.

    « On peut se déguiser, si tu veux. »

    Je m'approche de mon coffre pour y sortir des capes au cas où il voudrait passer incognito s'il accepte de m'accompagner. Je n'oublie pas que Livie aussi a des sentiments pour Natsume. Je ne lui ai pas encore dit. Autant à Livie qu'au concerné de l'histoire. Mais je compte bien tenter quelques approches, et puisque lea garde ne s'est toujours pas décidé, je ne vais pas me gêner pour m'amuser un peu et profiter de la compagnie de mon 'époux'.

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    « … Je suis dégoûtant.
    - Et pourquoi ça ? »


    Katya m'avait à peine regardé alors qu'elle feuilletait négligemment des livres d'ordres que j'avais fait commander afin de garder un regard sur les comptes du royaume et nos réserves durant ma période d'absence. C'était pourtant elle, qui avait commencé cette conversation en s'imisçant auprès de moi et en essayant de me tirer les vers du nez sur la raison de ma grimace du jour. Elle le savait bien, pourtant. Depuis quelques mois, la raison est la même, à mon grand damne. J'ai pourtant tout tenté pour noyer le souci au plus vite ; mais rien,  jusque là, n'a fonctionné.

    « Tu sais très bien pourquoi. Je profite de la situation, il s'agit vraiment d'un comportement de- 
    - ... Et en quoi profites-tu ? »


    Sur le moment, ma bouche s'était fermée. Mouché, je n'avais pas réussi à répondre instantanément, et la seconde d'après, un rictus satisfait et mesquin s'étirait sur les lèvres de mon amie. Comme si cela voulait dire quelque chose... Il y aurait tant de choses à dire. Comment, sinon, qualifier autrement le comportement d'une personne se retrouvant à éprouver des sentiments pour quelqu'un qui ne peut faire autrement que simuler à contre-coeur... ? Je ne vois pas vraiment en quoi Katya peut avoir du mal à le concevoir.
    Pourtant, les mots refusent de sortir. Ils ne peuvent pas. Je n'ai pas d'exemple, après tout, à donner. Et pour cause ; quand je m'étais rendu compte que l'amitié que je pensais éprouver pour Samaël s'était lentement changée en des sentiments plus profonds, plus forts. Quelque chose de différent de ce que je pouvais connaître, et que je ne parvenais pas à identifier jusqu'à ce qu'on ne le souligne à mes yeux. Croyant au départ que cela n'avait rien de différent que l'affection que je pouvais ressentir pour mes quelques proches, il avait bien fallu que je reconnaisse que les émotions qui bourgeonnaient dans ma poitrine n'étaient pas les mêmes. Je n'étais pas apaisé et rassuré par notre proximité de la même façon ; je ne souriais pas aussi doucement pour quelqu'un d'autre. Katya m'avait confié que mon regard s'illuminait d'une tendresse qu'elle n'avait jamais encore vue, chez moi, dirigée vers quelqu'un. Inconsciemment, mes gestes s'étaient fait plus affectueux. Lorsque je me retrouvais parfois à le soigner et que ma main s'aventurait sur ma joue alors que j'étais encore occupé à lui faire des reproches, lorsque je simulais l'inconscience quand nous nous réveillions l'un contre l'autre au matin, lorsque mon ton s'adoucissait une fois que nous nous retrouvions seuls... Il avait fallu que l'on me le fasse remarquer pour que je m'en rende compte, comme un jet d'eau froide aussi brusque que violent. Depuis, je tente de mon mieux pour me comporter de la manière la plus platonique possible. Je ne veux pas le mettre mal à l'aise ou lui imposer d'avoir à prendre en compte quelque chose que je suis le seul à avoir provoqué.
    Alors non, je n'ai pas d'exemple à donner à Katya. D'exemple autre que ce qui fait battre mon cœur à toute allure depuis des semaines maintenant. Et cela me dérange assez pour faire naître une grimace sur mon visage ; mais la brune ne me laisse pas de temps pour continuer, choisissant plutôt de reprendre la parole d'un ton plus sec et agacé.

    « Mais si pour toi « pleurnicher misérablement en s'enfermant dans son bureau comme un adolescent en pleine crise » revient à être dégoûtant, alors je suppose que nous pouvons être d'accord. »

    Mon expression s'était renfermée, et je m'étais tendu, mais... Mais elle avait raison. Tout ce que je faisais, depuis quelques semaines, était de m'enfermer dans mon travail en espérant que cela passe ; mais cela ne passait pas. Il faudrait bien, à un moment ou un autre, que j'apprenne à vivre avec, le plus normalement possible.



    « … Une foire ? »

    Clignant des yeux, je crois en effet me rappeler avoir entendu parler de ça. Pas dans les détails, mais j'avais vaguement approuvé ; il était bon que des réjouissances prennent la place de l'anniversaire de la trêve. Egayer les esprits à ce sujet était toujours mieux que de laisser le regret et l'amertume transparaître, même si il ne fallait pas réprimer trop ces sentiments. Avec le temps, je m'étais rendu compte que malgré ses maladresses et son entêtement, Samaël savait trouver les moyens de redonner du baume au cœur aux gens. Une qualité que j'admire quelque peu.
    Mais quand au fait de venir... Je me détends un peu en comprenant que nous serons seuls tous les deux. Ironiquement, le fait que nous ne soyons pas entourés ne nous oblige pas à simuler l'amour entre nous ; et aussi absurde que ce soit, c'est bien là que je me sens le moins mal à l'aise. J'hésite tout à d'abord, me disant que je ferais sûrement mieux de retourner à mon travail, au risque de laisser transparaître quelque chose.

    « Je ne suis pas sûr, avec le travail qui m'attend, enfin... »

    Mon regard passe par les fenêtres. Dehors, la foule s'amoncelle. Je ne serais probablement pas à l'aise si il y a trop de monde, mais en même temps... En même temps, les paroles de Katya me reviennent en tête. Je ne fais rien de mal à simplement passer du temps avec lui, n'est-ce pas... ? Je n'arrive pas à m'en convaincre pleinement, mais au moins, l'idée fait son bout de chemin dans ma tête. Quelques secondes passent, après lesquelles je finis par prendre dans une de mes mains la cape qu'il me tend. Je lui aurais bien proposé un peu de magie pour parfaire nos déguisements (altérer son apparence aurait été plus utile, et il m'est déjà arrivé de l'utiliser), mais je suppose que cela fera l'affaire.

    « … Je suppose que je peux bien faire une exception. »

    Un très mince sourire aux lèvres, je finis donc par l'enfiler sans plus de discussions. Je fais, difficilement, taire la partie de mon esprit qui me reproche d'employer des excuses pour profiter de la situation. Au lieu de cela, mes pensées se concentrent sur la manière dont nous allons sortir du château, alors je relève un regard vaguement curieux et dubitatif sur mon interlocuteur.

    « Mais il faudra déjà arriver à sortir. J'imagine que v-... Tu as un passage secret en tête... ? »

    Le tutoiement m'est encore difficile, je l'admets. Pas particulièrement par politesse. Plutôt car j'ai l'impression que cela rend nos discussions plus honnêtes, plus personnelles. Moins factices et formelles comme elles pouvaient l'être au début, lorsque nous apprenions tous deux à jauger l'autre. Aussi ridicule que ce soit, cela ne fait qu'empirer la chaleur dans ma poitrine, comme si cela persuadait mon esprit d'une plus grande complicité, alors qu'il n'en est rien. Mais... C'est agréable, je dois l'admettre.

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    Je ne fais rien de mal. Ce n'est pas comme si... Je le forçais à réellement m'aimer, avec cette histoire de mariage. Mais le hasard a fait de drôle de choses. Je veux pouvoir profiter avec lui des choses les plus simples de la vie comme aller à une fois pour y boire, manger et s'amuser. Il n'y a rien qui me ferait plus plaisir de passer un moment privilégié avec Natsume, sans responsabilité d'aucune sorte liées à nos rangs. Oui, nous avons des devoirs, mais pour une journée je souhaite simplement les laisser de côté pour faire découvrir à l'autre un peu plus sur les habitants de mon royaume et sur la façon dont nous pouvons nous divertir. C'est... C'est ce que les personnes qui s'aiment font. Elles passent du temps ensemble. Je sais que Natsume... Enfin je me doute que Natsume ne ressent pas la même chose et que... Que je me butera à un mur. Je sais que ça ne sera pas évident et mes sentiments m'ont engagé sur un chemin compliqué. Mais je veux quand même parcourir cette route et voir où elle me mènera. Je n'ai pas envie... Je ne sais pas si j'ai envie de finir comme Livie à vivre un amour secret pendant des années. Je veux que les choses soient mises au point le plus vite possible. J'espère juste ne pas me tromper en lui faisant confiance et en espérant qu'il puisse comprendre.

    Je manque d'ailleurs de déchanter quand il me parle de son travail. Encore du travail ?! Ah non ! Je ne veux pas qu'il continue de se surmener ! Déjà qu'il... Qu'il est de plus en plus... distant ces derniers temps. J'ai l'impression qu'il a beaucoup plus de charges que d'ordinaire alors que pas grand chose n'a changé en soit. C'est aussi pour ça que je veux qu'il vienne avec moi. Je souhaiterais qu'il se détende et profite un peu de ce que les festivités ont à offrir, qu'il voit autre chose que ces maudits bouquins qui lui accaparent du temps et surtout de l'attention dont je pourrais profiter s'il n'avait pas la tête plongée dedans fréquemment.
    Alors je souris lorsqu'il accepte finalement ma proposition, lui passant le vêtement censé dissimuler nos identités aux yeux de la foule. Bon, ce n'est pas folichon mais pour une journée, ça fera entièrement l'affaire.

    « Hmmm... Je ne vois pas pourquoi on devrait utiliser un passage secret... On fait ce qu'on veut, non ? »

    Naïvement, je ne vois pas trop ce qui serait gênant. Après tout, on est les rois -littéralement- non ? Si le château est au courant de notre excursion, cela ne veut pas dire que le peuple le saura. Mais... Mais il a probablement raison. C'est plus prudent, j'imagine. Et puis il est intelligent, il sait plein de choses, bien plus que moi.

    « Mais... Bien sûr, il m'est déjà arrivé d'en utiliser. »

    Évidemment, heureusement, je connais les passages secrets de ce château comme ma poche. Après tout, il fallait bien que j'évite les enseignements ennuyeux de mes professeurs, et j'en ai eu beaucoup.
    Comme si de rien n'était, je m'approche d'une grosse bibliothèque avant de la pousser pour faire découvrir un passage dans le mur. Pas comme si je lisais beaucoup d'ouvrages autre que les romans, après tout.

    « Tadaaa ! »

    Tout fièrement, je lui montre les escaliers descendant pour mener à un tunnel avant de l'inviter à emprunter le passage pour que je referme le meuble derrière moi.

    « Ce n'est pas la sortie que je préfère, mais elle peut être bien pratique. Tu pourras l'utiliser, si tu veux. »

    En vérité, je préfère largement jouer aux chevaliers et passer par la fenêtre avec une liane ou une corde, mais quand je ne suis pas tout seul, j'utilise des moyens plus euh... traditionnel. Tout le monde ne partage pas mes délires.

    « Je veux dire... Si un jour tu as besoin d'intimité... Je comprends que... Enfin, ça doit pas être très drôle de me coltiner tous les jours. »

    J'ai... J'ai peur de l'ennuyer, à vrai dire. Je me dis qu'avec ce passage, au moins, s'il s'en sert, ça lui sera sûrement utile si un jour il veut être tranquille.

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    Je manque au départ de soupirer lourdement quand il m'indique ne pas voir pourquoi nous devrions être à peu près discrets. Je sais bien qu'il n'a pas vraiment beaucoup de conscience des conséquences, mais... Des fois, son côté insouciant est aussi attachant que... Que... Non, je ne pourrais pas dire fatiguant. Il ne me fatigue pas. Il m'inquiète, plus qu'autre chose. Mais je suppose que l'avantage de notre arrangement est que je peux tenter de veuiller sur lui autant que possible ; quand bie même Katya m'a déjà reproché de le faire de manière excessive.

    Si je croyais qu'il allait me confirmer qu'il s'agissait d'une mauvaise idée, je suis surpris en le voyant débloquer un passage derrière la bibliothèque ; il est vrai que je ne l'ai jamais vraiment vu lire et que je m'interrogeais sur la présence d'autant de livres dans sa chambre jusque lors. Clignant des yeux, je reste bêtement surpris un instant, avant d'esquisser une moue amusée. Son enthousiasme m'attendrit. Mon regard s'adoucit lorsqu'il se pose sur son expression fière. J'ignore quand exactement est-ce que ma poitrine a commencé à se gonfler aussi chaudement lorsque je l'observe avec de pareilles mines.

    La suite me prend toutefois de court. Etonné qu'il croit que ce soit un déplaisir de se le « coltiner », je ne réagis pas tout de suite. Lui aurais-je donné l'impression que sa présence me déplait... ?

    « … Le fait que je ne t'ai pas déjà fait passer par la fenêtre alors que nous passons toute la journée ensemble devrait pourtant t'avoir rassuré. »

    La réponse me vient immédiatement, une moue amusée et légèrement narquoise sur les bords. Au début, pourtant, l'idée m'était passée par la tête ; il faut dire qu'il ne... Hm. Qu'il ne se montrait pas vraiment sous son meilleur jour, il faut le dire. Au fil du temps, pourtant, les choses ont changé. Moi qui pensait ne pas supporter de ne jamais obtenir un moment de solitude, je me suis étonné de retrouver dans les moments où nous étions seuls la même tranquilité. La même quiétude. J'ai l'esprit paisible, quand nous sommes seuls. Je ne peux pas en dire autant de tout le monde.

    « Tu dois probablement être la personne que je supporte le plus, quand j'y pense. »

    Je parle sans vraiment réfléchir alors que nos pas nous guident dans les couloirs du passage secret. Je ne vois pas de raison de le cacher, en soi. C'est une vérité qui a même été remarquée par mes conseillers, observant que je perdais bien moins patience quand nous discutions.

    « … Et puis, il me faut bien un guide, et j'en ai un de tout trouvé. »

    Un sourire au coin, mon regard s'éloigne toutefois quand je constate que nous arrivons dans un petit coin de chemin tout près des rues. Il ne nous faudra pas longtemps avant de rejoindre celle de la foire, mais je me permets tout de même d'observer les environs avant cela. Je ne sors pas beaucoup du château, il est vrai. Mais, aussi ironique que ce soit, je... Je n'en ai pas vraiment l'habitude. Lorsque l'on a passé son enfance et son adolescence enfermé, il n'est pas forcément naturel de s'aventurer dehors. Dans ce pays, encore moins. Mais je me sens plus à l'aise de le faire si je suis accompagné. Le paysage est assez joli ; il serait dommage que je ne l'observe pas. Et mes yeux s'ouvrent sur le coup de la surprise quand j'observe l'agitation dans les rues.

    « … J'admets que nous n'avons pas autant de... Enfin, nous n'en faisons pas autant. »

    Un peu surpris, je sursaute même en entendant des bruits brusques et soudains. Si l'hésitation parcoure mes yeux durant un instant, toutefois, je me ragaillardis en me disant qu'il serait tout de même préférable que je cotoie davantage le peuple sur lequel je suis aussi censé veiller, même de manière plus partielle. Tournant alors mon regard vers mon interlocuteur, si je m'apprêtais à plaisanter, je m'arrête toutefois sur l'instant.
    Mes yeux se posent sur son visage. Ils s'attardent. Une seconde, puis deux. Dessinent ses traits avant de revenir croiser son regard ; je ne réalise que je l'observais peut-être un peu trop qu'après, et la pensée me fait l'effet d'un petit choc, me faisant me tendre d'un coup net alors que des rougeurs remontent sur mes joues bien rapidement. Comme pour dissiper mon malaise, je reporte entièrement mon regard sur les rues animées.

    « A-alors... Que me conseillerais-tu, en premier... ? »

    … Oui, parfait, changeons de sujet. Très bon choix.

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    Je ne veux pas qu'il y ait méprise. Nous sommes mariés mais seulement aux yeux de la loi. Cela ne veut pas dire que nous devons nous entendre même si je l'ai espéré pour que les choses soient plus simples par la suite. Mais je ne m'attendais pas à... à carrément tomber amoureux de lui. Cela paraît surréaliste. Alors je ne veux pas qu'il se sente forcé de traîner avec moi. Je veux qu'il se sente libre. Mais une douce chaleur s'empare de ma poitrine quand il tente de me rassurer de façon... bien à lui. Je lâche un gloussement face à sa réponse plutôt directe, rasséréné de savoir que je ne le gêne pas, et mieux encore, qu'il m'apprécie réellement. Après tout, il ne m'a jamais menti, c'est lui qui l'a dit lui-même. Donc s'il dit que je suis la seule personne qu'il supporte vraiment... Alors je le crois. Même si cela me surprend. Il y a des personnes bien plus proches, non ?.. En un sens, tant mieux, puisque nous devons être fréquemment ensemble, mais je veux dire... Il y a Katya, Aloïs... ou Livie. Une part de moi s'en veut un peu vis-à-vis du garde. Je peux passer une journée privilégiée avec Natsume sans le moindre effort et nous sommes même plus ou moins obligés de rester ensemble physiquement. Enfin, ce n'est pas comme si je profitais de la situation non plus, du moins je crois. Cela ne lui fait pas de mal de se détendre alors qu'il a pas mal travaillé ces derniers temps. Timidement, je lui souris toutefois, conservant une certaine fierté d'être considéré ainsi par mon ami. Je rougis même en sentant la confiance qu'il réserve à mon égard pour la balade que je lui ai promis. Héhé, c'est vrai que je peux faire un bon guide.

    « Eh bien... Il y a pas mal de jeux, euh... Des jeux de plateaux, des jeux de balle, des... »

    'Des jeux avec des tartes à la crème' mais je ne sais pas si ça l'emballerait. Pas mal de stands de nourriture aussi, pour plus tard. Et surtout de la musique et une ambiance folle. Les gens s'amusent. Les sourires envahissent les avenues et je me mets à sourire avec eux, soulagé quelque part de voir qu'ils arrivent à se divertir et à penser à autre chose que les guerres qui les ont accompagné pendant des années. Je n'ai peut-être pas eu une idée si folle, finalement.
    Non loin de nous, un crieur de rue annonce les événements qui arriveront bientôt dans la journée. L'un d'eux attire aussitôt mon attention, et je me tire tout à coup vers Natsume avec un certain enthousiasme.

    « Des tournois ! Tu aimes les tournois ? »

    Mon regard brille un peu trop, mais c'était un des jeux que je préférais voir quand j'étais enfant. Mon père m'emmenait les regarder dès qu'il en avait le temps. Je ne sais pas s'ils en ont aussi au royaume Shimomura -je ne me suis pas renseigné là-dessus- mais c'est l'occasion de lui montrer comment ça se passe chez nous. Plein d'entrain, je lui fais signe de me suivre et nous nous dirigeons vers le terrain de duels des chevaliers. Pour une fois, au lieu d'une place de la place de premier choix qui m'est réservé, nous nous glissons dans les gradins au milieu des spectateurs.

    « D'habitude c'est le roi qui les préside quand il peut, mais euh... Aujourd'hui, il a dû s'absenter. »

    Un petit rire m'échappe avant que je n'esquisse un clin d'œil en direction de mon comparse du jour. Cela me fait bizarre de revenir à certaines habitudes que j'avais ado, comme me faire passer pour quelqu'un sans responsabilité aucune. Personne pour me reconnaître ou me regarder bizarrement. Cela fait du bien, des fois. Tapotant sur les cuisses d'un air impatient, comme si je redevenais un enfant, mes yeux passent sur mon allié avant d'observer la foule qui commence à s'amonceler.

    « D'ailleurs... Cela leur ferait peut-être plaisir que tu participes à ce genre de festivités, si tu en as envie. »

    En vérité... Cela me ferait surtout plaisir à moi s'il osait mettre un peu de sa pâte dans mon royaume. Il a pris une place vraiment importante, à mes yeux. J'ai l'espoir que... Que cela puisse perdurer.

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    Je me suis tout de même un peu renseigné sur les habitudes du pays où je suis amené à vivre. Que ce soit avant notre mariage ou après, j'ai pris le temps de lire et de me renseigner ; mais Katya avait raison, et les livres ne pourraient que me donner des connaissances superficielles, comme une leçon apprise. Et si j'ai toujours été très bon élève, ce n'est pas de ça qu'il est question. Alors j'essaie de faire quelques efforts à ce niveau. Mais je... Je mentirais si je disais que ma curiosité était simplement diplomatique. Depuis quelques temps, je constate que je suis plus curieux de la culture locale. Et j'en connais la raison, malheureusement pour moi et ma fierté qui aimerait bien que nous ayons une raison plus digne que celle-ci.
    Alors je ne suis pas trop dépaysé par ce dont il me parle, me contentant de hocher de la tête d'un air attentif. Mais plus il énumère les possibilités, et plus je grimace intérieurement. Je ne suis... Pas très bon en jeux. Et encore moins en adresse. Malgré tous les tutorats dont j'ai pu bénéficier, j'ai toujours été un bien piètre archer et acrobate. Ce n'est certainement pas ainsi que je pourrais l'impressionner.
    ... Depuis quand est-ce que je cherche à l'impressionner?
    La pensée me fait tiquer sur l'instant alors qu'intérieurement, je pourrais entendre une petite voix s'époumonner de panique. Et j'aurais bien commencé à perdre des couleurs si sa voix ne m'avait pas soudainement ramené à la réalité.

    Clignant des yeux, je l'observe sans un mot au départ, surpris par son enthousiasme et sa bonne humeur soudaine. Une vision qui réchauffe agréablement ma poitrine et fait surgir une petite roseur sur mes joues. Pour tout dire... Je ne suis pas un grand admirateur de tournois. J'y vais lorsqu'il le faut et car l'on attend que je sois présent, mais ce n'est pas ce qui m'attire le plus. Mais cela avait l'air de lui faire tellement plaisir, que...
    .. Ah, je crois que l'on est déjà assis.

    « Je... Enfin, il y en a, oui, c'est assez divertissant. »

    Fort heureusement, je suis capable d'improviser une réponse simple qui me sort temporairement de la panade dans laquelle j'étais plongé. Enfin, ce n'est pas très fin, mais... Je dois admettre que j'étais peut-être plus occupé à le fixer qu'à trouver vraiment de quoi dire. Surtout qu'il ne s'agit pas vraiment de mon rayon d'expertise. Mais en même temps... Je dois être ennuyeux comme la pluie, à ses yeux.
    Je me permets toutefois un léger sourire devant sa plaisanterie, mon ton se faisant plus détendu.

    « Eh bien eh bien, quel monarque responsable tu fais... »

    Mais je ne lui reproche rien. Nullement. Il a l'air tellement heureux de venir y assister que je ne peux pas m'empêcher d'être adouci à mon tour. Je lui préfère cette expression-là, quand il exprime sincèrement son amusement et son enthousiasme d'une manière naturelle, sans se forcer. Cela m'attendrit.
    Mais sa proposition me prend de court, alors que les présentations des participants commencent à se faire. Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'il me parle de cela. Il est vrai que je n'ai... Pas vraiment pris énormément d'iniatives, au-delà de ce qui tenait de mes obligations, durant mes périodes de présence en ces terres. Il faut dire que, d'une part, je ne m'en sentais pas légitime d'un point de vue tant légal que moral (c'est-à-dire que notre mariage n'a rien d'un mariage sincère...), et d'autre part... Je n'ai pas vraiment été habitué à ce que les consorts en aient le droit, pour le dire sèchement. Dans mon royaume, la règle est que les consorts ont plus de devoirs que de droits ; il en était de même pour ma mère, et ma grand-mère (enfin, en théorie). Leur rôle est essentiellement diplomatique, et sujet à accorde leur conjoint.e, de tel que lorsque ce.tte dernier.e vient à mourir, iels sont alors soumis à la tutelle d'un membre « originel » de la famille royale. Une tradition qui n'a jamais été de mon goût, pour tout dire, et que j'aimerais bien démanteler proprement, mais qu'intérieurement, j'ai intégré quand je suis ici. Si il ne me viendrait pas à l'esprit de penser que Samaël n'a pas l'autorisation de faire ce genre de choses dans mes terres, je n'aurais pas pensé que je pouvais le faire dans le sens inverse.

    « Je... C'est simplement, j'admets que les tournois ne sont pas véritablement ma spécialité. »

    Je mens avec un sourire gêné qui cache plutôt le fait que, essentiellement, je n'y avais simplement pas pensé jusque lors. Mais en un sens, il est vrai aussi que si je devais organiser quelque chose, ce ne serait pas un tournoi. Pensif alors que les participants se présentent alors au regard du public, mon regard se repose sur un point invisible dans l'air.

    « Mais... Si cela te plaît, je suppose que je pourrais organiser quelque chose... Tu penses que quelque chose en rapport avec la magie ou la botanique pourrait intéresser... ? »

    Je suis dubitatif. Même dans mes terres, j'admets que... Je ne tends pas vraiment à faire ce genre de choses. Je me concentre tellement sur les réformes et les réparations d'après-guerre que je tends à en oublier ce genre de choses, les laissant aux baron.ne.s. J'admets que cela pourrait être intéressant, mais en même temps, il y a peut-être une certaine forme de timidité de ma part.
    Mon attention est toutefois vivement saisie quand un bruit sourd de métal s'entrechoquant me fait sursauter et relever le regard. Dans l'arène, la lance de bois d'un des concurrents vient de s'écraser de plein fouet contre le bouclier de l'autre ; et le porteur de l'arme, sonné par le contrecoup, s'est étalé de tout son poids au sol, pendant que son cheval s'enfuit. Eh bien. C'était... Bien rapide, comme défaite, je dois l'admettre, mais j'applaudis tout de même légèrement, à l'instar du public.

    « … J'admets que tu t'en sors un peu mieux. »

    Sur le moment, je ne sais pas vraiment pourquoi j'ai pensé à cela ; mais il m'est vrai que lorsqu'il m'est arrivé de le voir au cours d'un combat, je trouvais toujours qu'il avait une certaine allure. Je ne le dirais jamais de cette façon. À la place, c'est inconsciemment que j'en viens à faire un compliment direct en gloussant quand je vois un autre ayant bien du mal à se relever.

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    Il n'a pas besoin de le dire. J'ai bien remarqué que les tournois n'étaient pas sa spécialité, voire qu'il n'en était pas friand du tout. Tout ce qui concerne des trucs un peu 'violents' en général, d'ailleurs, mais je ne vais pas le blâmer pour ça, au contraire. C'est rafraîchissant de savoir qu'il est plus pacifiste et calme de ce côté-là. C'est aussi une part de chez lui que j'apprécie et que j'admire, cette douceur qui se dégage de chez lui, alors qu'à côté je suis une grosse brute. Je voulais en réalité parler de quelque chose de plus large. Qu'il puisse laisser une trace sur mon royaume comme il l'entend, à sa façon, et pas forcément à coup de tournois même si je les aime beaucoup.
    Je pourrais craindre que mon sourire béat trahisse ce que je ressens, pourtant je ne peux m'en empêcher quand je l'écoute exposer ses idées. Enthousiaste, j'allai confirmer ses propos quand le bruit du duel retentit au sein de l'arène, nous forçant à regarder. Un des chevaliers s'est fait mettre à terre après un coup de lance de son adversaire. Je me joins aussitôt aux applaudissements des spectateurs, oubliant peu à peu que je suis censé les représenter. Le compliment de mon vis-à-vis, toutefois, me fait avaler de travers ma salive et rougir jusqu'aux oreilles. J'enfonce un peu ma tête entre mes épaules, détournant le regard. Je ne suis pas habitué à ce qu'il me dise ça, alors ça me surprend autant que ça me flatte. J'ignorais qu'il pensait ça de moi... Je n'ai pas vraiment de qualités à mettre en avant, alors que je pourrais citer toutes les siennes. Si je ne sais plus où me mettre, je tente quand même de faire une vanne afin de dissimuler que ça me fait un peu trop plaisir.

    « Tu-Tu n'as pas intérêt à me provoquer, alors. »

    Même si mes sentiments ne sont pas réciproques, je... Je ne veux pas me fâcher avec Natsume. J'ai appris à l'apprécier en tant que personne, et c'est ce qui m'a fait tomber amoureux de lui. Alors je ne veux pas le perdre, même en tant qu'ami, et je ne veux surtout pas que nous nous fassions la guerre. Cela me ferait beaucoup de peine. Je serais content néanmoins s'il y avait un événement dans mon pays qui me rappelait sa présence.

    « Mais... Mais quelque chose sur les plantes ou la magie ça serait... C'est une super idée ! Ou alors... Ou alors les plantes magiques ! Ou la magie des plantes ! »

    Je redeviens tout à coup excité, mais sans que ça ne concerne le tournois, cette fois. Mon attention s'est entièrement portée sur lui à tel point que j'en oublie pendant un instant où nous nous trouvons et ce que je suis venu regarder, ce qui est assez rare pour le noter, moi qui suis très joueur et adore voir des duels. Pour autant, si je suis là... C'est pour lui. Pour m'amuser avec lui. Je sais que je ne devrais pas, mais mes pensées lui sont entièrement dédiées. J'aimerais tant qu'il se sente à sa place, ici...

    « On a pas ça, dans notre royaume alors je... Je pense que ça pourrait vraiment apporter quelque chose, surtout de la part d'une nymphe. »

    On m'a déjà dit que sa nature de nymphe n'avait pas forcément été acclamée. J'aimerais qu'il sache que je l'accepte complètement.

    « À quoi pensais-tu ? Quelque chose comme un jardin ? Un grand jardin ? Ou une serre ? Ou... Ou une exposition des fleurs du monde entier ? »

    Derrière Natsume, je peux apercevoir brièvement des couples se tenant la main. Dans un élan d'enthousiasme, je me mets à faire de même en lui prenant doucement la main, plongeant mon regard brillant dans le sien.

    « Quoi que tu feras, je suis sûr que ça sera formidable. »

    J'espère qu'il ne trouvera pas notre rapprochement bizarre. J'ai toujours peur que le moindre truc que j'ose faire soit rejeté de sa part. Il est tellement gentil... Je ne veux pas qu'on ait l'impression que j'en profite.

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    Je ne fais pas attention à ce que je dis. Ce n'est pas quelque chose d'évident, pour moi qui ait tendance à tourner cinq fois ma langue dans ma bouche avant de m'engager sur la moindre parole, et qui suis d'un naturel très silencieux. Je n'ai pas l'habitude de beaucoup parler car j'ai l'habitude d'avoir à me méfier quand je le fais. Mais ce n'est pas le cas ici. Je n'ai pas l'impression que mes mots seront détournés, altérés, ou que je serai pris pour un idiot. J'admets que je n'ai pas beaucoup de standards, mais... Mais c'est plutôt agréable. Sa plaisanterie me tire toutefois un rictus.

    « Je ne peux pas faire de promesse. »

    Mais la suite me prend toutefois de court. Son enthousiasme me surprend et me fait ouvrir de grands yeux alors que je l'entends parler. Une sensation chaleureuse bourgeonne dans ma poitrine, remontant dans ma gorge et venant s'y nouer, tandis que mon regard se fixe sur son visage et son expression enjouée. Ses yeux brillent d'une telle manière que je m'en retrouve intimidé, des rougeurs remontant à mon visage. Lorsqu'il mentionne que mon espèce pourait être un atout, mon regard brille davantage ; et, inconsciemment, je me mets à ravaler ma salive. Mes épaules se tendent. Et lorsque sa main se pose sur la mienne, mon rythme cardiaque s'emballe. Mes joues passent du rose au rouge écarlate d'un coup net. J'ai l'impression que quelque part, mon esprit a cessé de fonctionner. Alors j'ai beaucoup de mal à réfléchir, me mettant à balbutier alors que je tente de faire marcher les quelques neurones que je possède encore.

    « J-Je... Je n'avais pas d'idée précise en tête, e-enfin... »

    Il est très, très difficile de faire usage de réflexion à l'heure actuelle. Et c'est particulièrement complexe pour moi qui ait l'habitude de me draper dans du calme et de la concision pour me sortir des situations complexes. Je ne me rends pas compte que les bourgeons de violette dans mes cheveux se sont mis à fleurir. Mon regard s'abaisse. J'ai l'air d'un bel idiot, à l'heure actuelle.

    « Peut-être... U-une exposition à but éducatif... ? I-il ne serait pas mauvais que les gens puissent a-apprendre les usages des plantes, o-ou leurs caractéristiques... »

    Je bredouille d'une manière bien ridicule. Trop concentré sur les battements frénétiques de ma poitrine ou sur la moiteur que je peux commencer à sentir dans mes mains, je ne fais pas attention à ce qui se passe autour de nous.

    « Hé, vous pourriez pas faire attention ?! »

    Le cri braillard d'un homme visiblement énervé me fait sursauter d'un coup net et relever mon regard vers la source du bruit, avant que je n'écarquille les yeux. Des grandes lianes fleuries se sont mises à surgir dans les gradins, perturbant plus qu'un peu une portion des spectateurs qui se retrouvent à nous regarder d'un seul coup, d'un air plus qu'agacés. Mortifié, je ne sais, sur le moment, pas vraiment quoi dire. J'ai plutôt envie de disparaître sur place.

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    S'il veut me rejeter, il le fera. Audacieux, je le suis, quand je me permets des tentatives d'approche peu discrètes. Hors de question de rester sur des sentiments muets jusqu'à la fin des temps. Je ne veux rien gâcher. Étrangement, toutefois, il semble perdre son calme d'un coup, bafouillant et virant au rouge. Cela le rend encore plus craquant, mais je vais garder tous commentaires à ce sujet pour moi. Est-ce que ce sont les compliments, qui le mettent dans cet état ? J'ai cru comprendre qu'il n'y était pas habitué, alors ça ne serait guère surprenant. Mais si cela lui fait plaisir, alors je lui en ferai des tas. Et ça n'a pas l'air de lui déplaire, cette idée de mettre à profit sa connaissance sur les plantes. Tant et si bien, même, qu'un petit emportement a aussi fait apparaître, un peu plus loin, des lianes qui ont dérangé quelqu'un. Surpris, je me tourne vers le plaignant avant de pouffer en voyant ce qui le gêne. Je fonds un peu plus, attendri cette fois par la maladresse de l'autre. Je me tourne vers le type.

    « Oh ! Excusez-nous ! »

    Dis-je en souriant d'un air désolé avec un signe de la main. Avec une couronne, je fais ce que je veux, mais avec une cape, je dois faire profil bas. C'est plutôt agréable, parfois, d'être une personne lambda. Mais même si j'aime les tournois, je crois qu'il est temps de filer avec que la situation n'empire.

    « Viens, on s'en va, avant de nous faire davantage remarquer. »

    Avec une expression espiègle, je lui reprends la main, cette fois-ci pour l'emmener hors de l'arène où le duel reprend. Mais cela m'importe peu, si je peux profiter de cette paume chaude contre la mienne et de la présence apaisante qui émane de mon accompagnateur. Pour ne pas le gêner, cependant, c'est contrecœur que je lui lâche la main une fois que nous sommes revenus sur le boulevard.

    « Je n'y connais pas grand chose en magie, mais... C'est plutôt impressionnant tout ce que tu arrives à faire. Hé, j'aurais sans doute besoin d'aide pour rendre mon palais plus beau. En tout cas, ce n'est pas une mauvais idée, cette histoire d'exposition. »

    Le château, après tout, bah c'est ma maison. Je serais ravi s'il pouvait mettre un peu de sa pâte sur ces murs vides. Ma mère a tenté de faire de son mieux pour embellir un peu l'intérieur, mais cela reste triste, je trouve. Quelques conseils de Natsume pourraient sans doute aider à rendre le fort plus joli.
    Avec un air amusé, je repense aux plantes qui sont apparues de manière bien soudaine tout à l'heure alors qu'il n'a aucun mal, d'ordinaire, à gérer sa nature de nymphe.

    « C'est drôle, il y a des fois où tu maîtrises totalement les plantes, et d'autres... Où elles t'échappent totalement. C'est mignon. »

    Et je ne dis pas ça pour me moquer, bien sûr. Je trouve ça adorable quand il a du mal à se contrôler à cause des émotions. Enfin, il me semble que c'est ça qui lui fait faire de drôles de chose. Ou alors il voulait vraiment embêter quelqu'un.

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    Gêné, je peux presque sentir les bourgeons dans mes cheveux se plie dans le sens de mon visage pour le dissimuler. Ce n'est pas un effet secondaire que je méconnais, à force de l'avoir subi. Ma magie a toujours été plus ou moins guidée par mes émotions (malheureusement, à mes yeux), et il n'a pas fallu longtemps pour qu'elle commence à être affectée par les sentiments que j'ai pu développer pour mon vis-à-vis. Si cela fait rire Katya, j'admets que de mon côté, ce n'est pas le cas. Pas du tout. Mortifié, je ne pipe pas un mot et hoche vivement de la tête quand Samaël me fait signe de le suivre pour que nous nous en allions ; heureusement que cette cape tient bien... Nerveusement, ma main se serre dans la sienne alors que nous nous en allons. Elle apaise mon rythme cardiaque.
    Sans la foule, je respire déjà un peu mieux. Me tranquilisant alors que nos mains se lâchent, je peux enfin sentir ma magie s'apaiser et les lianes contre mes bras cesser de se serrer autour. Mais sa remarque sur mes difficultés à me contenir, toutefois, me fait me tendre d'un coup net. Je n'enregistre même pas qu'il s'agissait d'un compliment. Au lieu de cela, des souvenirs désagréables me remontent à l'esprit, comme une image vive et brusque.

    Incapable de se tenir. Plus une créature qu'un être humain.
    C'est une remarque qu'on m'a souvent fait. Un reproche, surtout. Cela m'a valu de nombreuses journées d'isolation ; encore plus après la mort de Mère. J'ai pris l'habitude d'intérioriser que ce n'était pas une bonne chose, alors mon premier réflexe est de m'excuser.

    « Je... Je suis désolé, j'essaie de faire attention. Mais en fonction des émotions, parfois...  »

    … Eh bien, cela donne ce genre de résultats. Embarrassé, je détourne le regard en cherchant entre les échoppes une diversion qui serait bien utile. Ce sera toujours mieux que ce que je suis en train de faire maintenant ; voilà pourquoi lorsque mon regard s'attarde sur une boutique en particulier, je saute sur l'occasion.

    « … Est-ce que tu aimes les jeux de construction ? »

    L'adresse, ce n'est pas ma meilleure qualité. Loin de là. Mais je me débrouille mieux quand il s'agit de fabriquer des choses, ou de... Faire des tours et des constructions à base de bois et de glace, oui. Je ne sais pas pourquoi, mais cela m'amuse peut-être un peu trop ; et il m'est déjà arrivé de fabriquer quelques meubles du château moi-même, du temps où j'étais prince. Maintenant, je n'en ai plus vraiment, mais... Cela ne m'empêche pas de proposer à l'autre de m'accompagner. Au moins, je serai un peu plus dans mon élément.
    L'échoppier nous laisse alors une petite centaine de pièces sur une grande table. Alors que je les examine et que je me fais intérieurement le dessin de la chose à recréer, je cligne des yeux en saisissant à quoi lesdites pièces me faisaient penser.

    « Oh, je crois qu'il faut recréer le château... Tu peux m'aider ?»

    Relevant le regard vers mon homologue, je me mets à sourire d'un air enjoué et enthousiaste. Inconsciemment, mes doigts tapotent sur la table et mon pied se met à remuer nerveusement, sous le coup de l'impatience. Les bourgeons dans mes cheveux ont légèrement fleuri.

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    Ai-je dit une bêtise ?.. Je ne voulais pas qu'il s'excuse, au contraire. Je n'ai pas pensé que c'était mal, après tout il ne l'a pas fait exprès non plus. J'imagine que ça ne doit pas être facile de vivre avec quelque chose qui peut être hors de notre portée. Vu comment je passe d'une émotion à une autre, j'aurais bien du mal à maîtriser une quelconque magie, alors je l'admire d'arriver à faire ça. Que sont quelques égards inoffensifs ? Il n'a blessé personne, après tout.
    Si je craignais que cela lui mine le moral, il parvient toutefois à se focaliser sur autre chose. Lorsqu'il me propose une nouvelle activité, j'accepte donc sans attendre, plus qu'impatient de faire un jeu avec lui.

    « Avec plaisir ! »

    Enfin, un jeu... Oui, c'est une sorte de jeu, de reproduire le château à l'identique, même si c'est plus difficile que ça en l'air, malgré le modèle. Les pièces ne se ressemblent pas toutes mais elles ont la même couleur et certaines sont trompeuses mine de rien. Pour autant, heureusement, je connais assez bien le château. Un peu plus que quiconque ici, d'ailleurs. Je me rapproche de mon camarade pour lui lancer une œillade.

    « Héhé, ils ont oublié les passages secrets, sur leur dessin. Hé... Tu es plutôt doué. »

    Je m'arrête un petit instant pour regarder comment il se débrouiller. Avec surprise, il manipule les éléments avec une certaine dextérité que je ne lui connaissais pas jusqu'alors. C'est vrai qu'il a l'air de bien aimer construire des choses. Bientôt, les tours de la demeure sont formées et il s'attaque à la base principale. Mes yeux restent scotchés sur les mouvements de ses mains qui ont l'air d'être accoutumées. La façon dont il touche les morceaux me rendraient presque jaloux. Je voudrais bien devenir une de ces pièces, moi aussi.
    Admirant sa façon de faire avec un sourire transi, je constate que le gérant du stand observe également, l'air impressionné par la vitesse à laquelle nous montons -enfin surtout Natsume- le château. L'air de rien, je commence à lui poser quelques questions, amusé.

    « Dites, monsieur... Qu'est-ce que vous pensez du roi Natsume ? »

    Mon interlocuteur sursaute, visiblement surpris de cette question. Cela n'a en effet rien à voir avec le type qui assemble le palais, n'est-ce pas ?.. Je suis simplement curieux de la façon dont le peuple de mon royaume voit le hérisson.

    « Oh euh... Le Shimomura ? Je ne sais pas trop... Vous croyez à cette histoire de vrai mariage, vous ? »

    L'homme semble réfléchir avant de retourner l'interrogation vers moi. Il n'a pas l'air d'être de mauvaise foi ou de mentir, au moins. Il paraît juste confus sur la question.

    « Eh bien... Pourquoi pas ? »

    Je feins l'innocence, ne quittant pas mon rôle de personne lambda même si je me veux maintenant protecteur de notre secret sur cette union arrangée. Disons que... Ce n'est plus vraiment un mensonge dans sa totalité.

    « Je ne sais pas... Je ne l'aurais pas imaginé avec le roi Samaël, ça a pas l'air d'être trop son genre. Il a l'air assez fermé et distant... »

    Là-dessus, je m'immobilise d'un coup sec. L'animateur n'a pas de mauvaises intentions mais il a touché sans le savoir un point sensible chez moi. Alors, inconsciemment, je fronce les sourcils avec une expression renfrognée, me rapprochant tout à coup du vendeur, m'emportant totalement.

    « Mais on en sait rien, pas vrai ? On ne les connaît pas dans leur intimité, alors je pense que c'est difficile de juger. Il paraît qu'en vérité le roi Natsume est intelligent, chaleureux, gentil, et à chaque fois qu'on lui pose une question, il répond sans jamais se moquer, il est toujours honnête ! »

    L'homme en face de moi, décontenancé, a reculé au fur et à mesure que mon visage se rapprochait du sien. Il lève les bras devant lui comme s'il se trouvait devant un chien enragé et qu'il avait peur d'être mordu. Il a du mal à comprendre pourquoi je m'emporte autant sur un sujet pareil. Surtout que... Que je pense tout ce que j'ai dit et que je suis loin d'avoir fini, si on me lançait là-dessus.

    « Euh... Si-Si vous le dites... »

    Méfiant, mon regard ne quitte pas le sien alors que je reprends ma place près de Natsume, la mine toujours boudeuse et sur la défensive. Personne n'a le droit d'insulter mon mari ! Enfin... Façon de parler, mais je protégerai Natsume contre n'importe quel détracteur et encore plus quand il s'agit de personnes venant de chez moi. Je ne veux pas le savoir, si c'est normal ou pas que les gens aient du mal à se faire un avis sur quelqu'un qu'ils ne connaissent pas vraiment ; Natsume est une crème et un jour, tout le monde le saura !

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    Si je m'en sors relativement bien, je dois admettre qu'un peu d'aide n'est pas de refus. Certaines formes sont assez trompeuses, mais la difficulté vient surtout de visualiser un résultat à atteindre dont je ne suis pas toujours sûr ; lorsque j'ai une hésitation, je me tourne vers mon accompagnant pour m'assurer que je suis sur la bonne voie ou non. Un sourire amusé aux lèvres, je réponds à sa plaisanterie.

    « Je crois que nous allons prendre quelques libertés artistiques sur leur absence. »

    Car il s'agit du genre de choses qu'il vaut mieux ne pas ébruiter. Mais, de plus en plus concentré alors que le montage avance à grande vitesse, j'en oublie un peu ce qui nous entoure. Voilà pourquoi lorsque Samaël, décide pour une raison ou une autre, de demander son avis à un inconnu sur ma personne, je me tends d'un coup net ; et ma prise sur la pièce que je tenais se relâche, me faisant la faire tomber sur la table jusqu'à ce que je ne la ramasse avec précipitation, le regard baissé. La nervosité remonte d'un coup net en moi.
    Mais... Mais qu'est-ce qui lui prend... ?!

    Ce n'est pas une question dont je désire entendre la réponse. Je serais presque agacé que Samaël ait décidé de l'interroger alors que je suis encore présent, mais je préfère garder la tête baissée pour le moment : ce serait bien le pire instant pour se faire reconnaître. Tendu, j'ai toutefois plus de mal à continuer ma sculpture. Mes gestes de main deviennent plus maladroits.
    En soi, toutefois, les commentaires du type ne sont pas très surprenants et recoupent ce que j'entendais déjà de la part d'autres personnes auparavant. Cela ne me blesse et ne m'angoisse pas plus que ça.

    En revanche, l'insistance soudaine de Samaël, elle, me met plus que mal à l'aise. Ne comprenant pas vraiment d'où vient cette obligation interne qu'il semble avoir de me complimenter, ma prise se crispe complètement sur la pièce que je tenais. Je ne sais pas si je suis gêné, vaguement mortifié ou si je meure plus tôt d'envie de me cacher sur la table pour y disparaître. Sur le coup de l'embarras, je n'arrive que peu à digérer le caractère positif  de ses propos ; j'aurais, au contraire, plutôt envie qu'il s'arrête. Les joues écarlates, le regard rivé sur les pièces, même mes épaules se sont légèrement relevées. Si il est agréable de savoir qu'il me porte en estime à ce point, je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur lieu pour ça. Sans surprise, la personne en face est très perplexe. De mon côté, j'ose à peine reprendre la parole.

    « Enfin, il est gentil, mais bon... Vous savez ce qu'on dit sur les nymphes. Un jour, on se retrouvera peut-être avec un héritier qui aura la tête de son garde... »

    Crispé, mes doigts ne bougent plus. La « discussion » de Samaël et du boutiquier a attiré l'attention d'autres participants, dont ceux de la table derrière nous. Et visiblement, les discussions vont bon train. Un nœud d'amertume et d'angoisse dans la gorge, les épaules tendues, je ne dis rien. Que pourrais-je dire, après tout... ? J'y suis habitué. Quand bien même ces rumeurs me peinent, j'en suis arrivé à un point où je préfère changer catégoriquement de sujet. Tendant avec une certaine rapidité ce que je tenais jusque lors, mon regard se détourne autant que possible.

    « J'ai, hm... J'ai terminé. »

    Présentant ma sculpture terminée, osant peu reprendre la parole après un spectacle pareil, je suis toutefois soulagé de voir que cela a le mérite de changer temporairement le sujet auprès du boutiquier qui paraît plutôt impressionné de notre réussite.

    « Eh bien... Bah, écoutez, prenez ça et allez à l'échoppe de l'auberge ; ils vous offriront un petit quelque chose. »

    Après qu'il nous ait tendu ce qui ressemble à un petit bon de tissu, je le remercie d'un très bref mouvement de la tête. Les discussions qui vont bon train à mon sujet dans l'arrière-train me donnent plutôt envie de m'éloigner au plus vite. Je me tourne alors en direction de mon homologue, osant à moitié croiser son regard.

    « … Allons-nous en, si ça te convient. »

    Je crois que ce serait encore préférable...

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    Je ne me suis pas rendu compte à quel point ce que je faisais rendait le principal concerné mal à l'aise. Je pensais... Je pensais lui faire plaisir ? Je me disais qu'il voudrait peut-être savoir ce qu'on disait de lui ici. Mais ce n'est pas parce que moi ça m'intéresse que ça l'intéresse lui aussi. Je voulais juste lui prouver qu'il avait sa place chez moi. Mais je constate que je prenais mes rêves pour une illusion. J'oubliais que peu de gens savent en réalité voir au-delà de la simple apparence que Natsume donne de lui.
    Quoi ?.. Qu'est-ce qu'on dit sur les nymphes ?..
    J'ai peur de la réponse. J'ai peur de ce que je ne sais pas, de ce que j'ignore, ce que je ne soupçonne pas. Et je ne m'attendais effectivement pas à un écho pareil. Que... C'est ça qu'on dit des nymphes ?!..
    C'est affreux...
    Une boule au ventre commence à se former, et j'ose encore moins porter mon regard sur mon ami alors que ça le concerne très personnellement. Ma poigne se crispe, mes dents se serrent. Je ne savais pas que les nymphes avaient une telle réputation. En plus avec le garde !..
    Mais... C'est Livie, son garde...
    Gêné, je baisse le regard alors que certains idiots rigolent derrière nous. Comment j'ai pu être aussi stupide ?.. Je suis autant en colère contre moi-même et les personnages qui osent se moquer que frustré et jaloux de me rendre compte que Livie est effectivement proche de Natsume depuis longtemps. Ce dernier élève d'ailleurs un peu la voix pour dire qu'il avait fini la construction du château. J'en avais presque oublié cette histoire, tiens... Pendant un instant, j'observe pourtant ce qu'il a réalisé, surpris de voir qu'il sait réellement se débrouiller avec des maquettes de ce genre. Mais ce n'est pas le moment. Après avoir reçu notre 'prix', je ne peux que naturellement hocher de la tête quand il demande à ce qu'on s'en aille, embarrassé de l'avoir exposé ainsi. Le cœur lourd, nous quittons l'échoppe. Mais je ne sais plus du tout où me mettre et n'ose plus porter mes yeux sur lui, me fustigeant d'avoir fait une pareille bêtise.

    « Je... Je suis désolé. Je ne pensais pas... »

    Que quoi ? C'était évident, pourtant. Si j'avais voulu des réponses, j'aurais pu les connaître autrement et surtout pas moi-même. Je n'avais pas à l'impliquer dedans. Très maladroitement, alors qu'un silence pesant s'est installé, je tente de changer de sujet.

    « C'est-C'est vrai que tu te débrouilles bien, en... En construction. »

    Oh, mais achevez-moi, ça sera moins douloureux que de le voir avec une tête pareille.

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    Dépité, j'essaie de penser à autre chose et de changer de sujet pour ne pas laisser perdurer cette ambiance délétère. Je ne vois pas l'utilité de s'arrêter là-dessus, mais en réalité, c'est plutôt que je tente d'éviter le sujet. Les rumeurs à mon sujet au sujet de Livie avaient déjà bon cours au pays ; mais puisque j'y étais roi, c'était moins saillant. Si cela m'indiffère en temps normal, que l'on rapporte à ça mon espèce et les stéréotypes qui l'accompagnent est autre chose. Cela ramène à mon esprit des souvenirs bien désagréables, qui me font détourner le regard quand l'autre s'excuse. Je n'ai pas de mal à croire qu'il ne savait pas. Il n'a pas l'air d'être très au fait de ce genre de choses. Mais je sens, même malgré sa tentative de changer de sujet, que tourner autour du pot ne nous débarrassera pas de cette ambiance devenue quelque peu malaisée. Alors malgré son compliment, qui me tire un bien maigre sourire, mon regard reste fixé sur les échoppes pendant que nous avançons.
    Au bout d'un moment, alors que le silence s'est fait lourd, je finis toutefois par reprendre la parole, le ton morne et désabusé. Au final, cela me fatigue plus qu'autre chose.

    « … Ce n'est rien. Ma mère a vécu bien pire. J'en ai l'habitude. »

    Ce n'est pas un mensonge ; je ne vis pas le dixième de ce qu'elle a pu subir. Ce ne sont que des broutilles à côté du poison et de la haine qu'elle pouvait se prendre. Dans un pays aussi conservateur, son existence n'était pas acceptée ; et beaucoup avaient longtemps questionné la nature de mes origines, comme si son espèce rendait tout cela indubitablement suspicieux. Alors de mon côté, je m'estime chanceux : et sans doute qu'en plus de me trouver dans des terres plus tolérante, être roi et être d'un genre plus masculin m'offrent une situation plus tolérable. Mais... De temps à autre, cela revient. C'est ainsi, je suppose. Je ne comprends pas vraiment pourquoi les gens se font une telle image de moi et de Livie, ou même de Katya ; d'une manière un peu naïve, je tends à penser que c'est par ennui. Je préférerais que ce soit ça.

    « Mais oui, j'aime bien construire des choses. Je trouve ça distrayant, et... J'ai la sensation de faire quelque chose de mes mains, pour une fois.  »

    Un maigre sourire aux lèvres, j'arrive toutefois à récupérer un peu de mon humeur. Difficilement, certes, mais c'est toujours mieux que rien. Et je ne veux pas le voir ainsi peiné pour quelque chose auquel il ne peut rien. Ce n'est pas de sa faute. Des fois, j'en viens à me dire que c'est peut-être de la mienne ; mais à l'heure actuelle, cette pensée ne me sert à rien. Je préfère encore qu'il s'amuse plutôt que de perdre du temps sur des broutilles pareilles. Parlant de ça...
    Nous arrivons finalement devant la petite échoppe dont nous avait parlé le boutiquier de tout à l'heure ; et après avoir tendu le bon de tissu, la gérante s'empresse de nous apporté une sorte de plat que je n'arrive pas pleinement à reconnaître du premier coup. Curieux, je cligne des yeux avant de reporter mon regard vers mon interlocuteur.

    « C'est... C'est une spécialité d'ici, ça... ? »

    J'oublie, des fois, que je ne connais pas tant de chose que ça de ces terres. Et au moins, le fair de découvrir de nouvelles informations me fait oublier le reste et me remonte un peu le moral. J'ose espérer que ce sera la même chose pour lui.

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    Je me sens mal. J'ai cru à tort que le bonheur de mon peuple se calquerait sur le mien, mais c'est tout l'inverse, et mon père m'avait prévenu. Un royaume ne sera heureux que si ses habitants le sont, et c'est à ce moment-là qu'un monarque pourra être lui-même satisfait. Si nous avons établi une paix, le chemin est encore long et Natsume devra encore patienter un peu avant de se faire accepter par tout le monde. Il n'a pas l'air de m'en vouloir pour ça, mais quand même, je crois que je vais devoir faire profil bas pour quelques temps. Je le sens bien, cette certaine tristesse dans sa voix quand il évoque sa mère. C'est sans doute d'elle qu'il tient ses gênes de nymphe. J'ignorais réellement que c'était une espèce aussi peu acceptée, mais on m'a toujours prévenu que le royaume Shimomura était bien plus conservateur que le nôtre. Je suis un peu soulagé, toutefois, de voir qu'il y a quelque chose qui a réussi à lui plaire aujourd'hui. Et la douce odeur qui s'échappe du stand duquel nous nous rapprochons donne vite l'eau à la bouche. Il n'y a rien de mieux qu'une sucrerie pour que le moral remonte, après tout. Cela me rappelle les parfums de la cuisine dans laquelle je me glissais pour échapper à mes devoirs quand j'étais petit. Je souris légèrement en nous approchant de l'échoppe. La gérante nous offre une gaufre après avoir vu le bon, et l'odeur est déjà vraiment alléchante. La question de l'autre me prend toutefois de court, et je lui fais ma plus belle expression étonnée, voire choquée.

    « Vous n'en avez pas ? C'est une gaufre. J'adore ça ! Puis tu mets un peu ce que tu veux, dessus. »

    J'en oublie peu à peu l'incident d'il y a quelques minutes, me disant maintenant que ça devait être bien triste, de ne pas connaître les gaufres jusqu'à présent. Mais quand j'y pense, c'est vrai qu'il y a pas mal de spécialités que je n'ai jamais vu chez lui, et dont je suis pourtant habitué. À l'inverse, puisque je m'en rappelle, il y a également des tas de recettes au royaume Shimomura que je n'avais jamais goûté, mais qui sont toutefois délicieuses.
    Nous donnant deux couverts pour qu'on se la partage, je n'hésite pas à en couper un bout pour le mettre en bouche. Aussitôt, je souris plus largement quand ma gourmandise prend le dessus et que je retrouve tout ce que j'ai toujours aimé depuis que je suis enfant. Je veux néanmoins quand même essayer de remonter le moral de mon ami.

    « Mais... Tu sais en faire, des choses, avec tes mains. Tu... Tu peux faire pousser des plantes, et... Et puis tu peux soigner les autres aussi. C'est super, de pouvoir faire tout ça. »

    Je ne remets pas en question ses talents en construction, bien sûr, puisque j'en ai été témoin, mais il a l'air encore de pas mal se sous-estimer, et ça m'ennuie qu'il ne se rend pas compte de tout ce qu'il peut accomplir par lui-même.

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    Curieux, je lui laisse m'expliquer ce qu'il me présente alors que je prends les couverts que l'on me tend pour que je me serve. Hochant de la tête, je ne peux pas m'empêcher de faire un commentaire.

    « J'ai déjà vu quelque chose y ressemblant, mais... En plus léger, je dois admettre. »

    … Il est vrai que la garniture est conséquente. Plus que ce à quoi je suis habitué ; nous ne sommes pas très friands des desserts, par chez nous, ou du moins, ils n'ont pas la même place dans l'alimentation. Ce sont des exceptions, des petits suppléments ; du luxe, en somme. Mais depuis l'arrivée de la paix, et les débuts timides du commerce entre nos deux pays, je vois de plus en plus de mets sucrés se présenter aux dîners et dans les foires. La crème glacée, notamment, a retenu mes faveurs, alors quand bien même le sucre n'est pas mon goût favori, je me montre curieux et goûte à ce qui m'est proposé.  Surpris du mélange de croustillant et de fondant en bouche, j'ouvre des yeux à la fois étonnés et satisfaits.

    « C'est... Assez gras, mais plutôt bon. »

    Je ne dis pas que j'irais en manger des centaines à la suite, mais je suis agréablement surpris. Et en même temps, ce n'est pas non plus désagréable, de manger dehors sans tout le protocole qui suit les dîners royaux ; enfin, pas que nous forcions vraiment à le suivre à la lettre, mais... Disons qu'il faut garder certaines formes, alors il faut demander aux cuisiniers, se faire servir, ne pas partir trop vite... Je préfère ce genre de moments. Cela m'apparaît moins rigide et moins étouffant.
    Ses derniers propos me prennent toutefois de court, ne saisissant pas pourquoi il m'en parle tout à coup. Il m'attendrit, à vouloir me réconforter, même si pour le coup, je n'ai qu'une mine un peu désabusée à lui offrir. Je ne suis pourtant pas si peiné que ça.

    « … Une nymphe qui fait de la magie, ça n'a pas grand chose d'inhabituel, tu sais. »

    J'en fais tout le temps, oui. Elle fait partie de moi. C'est aussi naturel que de respirer. Mais justement.

    « Mais les travaux manuels, ça ne me vient pas naturellement. Il faut que je progresse et que j'apprenne. Cela a quelque chose de fascinant, et... Cela m'occupe l'esprit. Sensoriellement, c'est aussi sympathique. »

    J'aurais toutefois du mal à expliquer en quoi c'est très différent. Je ne suis pas très bon pour ce genre d'explications. Demandez-moi d'exposer un problème juridique ou politique, et je saurai vous le faire de manière parfaitement construite. En revanche, tout ce qui a trait au personnel est... Plus complexe, je l'admets. Voulant essayer de faire passer mon point, je le fixe à nouveau après avoir pris une bouchée de notre friandise.

    « … Il y a bien des choses que tu fais qui sortent de ta routine et de ce que tu sais très bien faire, non ? Des activités qui te détendent ou qui t'occupent... »

    Il est vrai, maintenant que j'y pense, que nous ne partageons pas forcément nos passe-temps. Il faut dire qu'ils sont... Assez opposés, du moins, c'est ce que je crois.

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    Je manque presque de faire la moue, conscient que je dois dire des choses évidentes. Mais je ne disais pas ça pour la forme, je pense vraiment qu'il est doué en magie, nymphe ou pas. Après tout, il doit bien y avoir des nymphes qui sont nulles, non ? Enfin, j'y connais rien. Je voulais juste dire que je trouvais ça quand même admirable, ce qu'il savait faire...
    Mais je suis tout de même content qu'il apprécie la gaufre. Gourmand comme je suis, je n'ai jamais réussi à y résister, et puis... Je suis content de partager ce plaisir aujourd'hui avec lui. La boule au ventre commence lentement à régresser. Faut dire que je suis faible face à la gourmandise. Sa question me prend toutefois de court. Enfin, 'question'... Ce n'en est pas vraiment une. Il suppose que je dois avoir une activité autre que celles qui incombent à ma fonction.

    « Ehm... »

    Si j'ai essayé diverses choses, il n'y a pourtant rien qui m'ait particulièrement plu par rapport à d'autres. J'aime bien lire des romans de chevalerie et m'inventer des histoires (un peu trop urgh) mais... Je ne suis pas spécialement doué là-dedans. J'imagine qu'on a pas tous un intérêt spécifique pour quelque chose. Enfin... Disons que depuis quelques temps, c'est lui, mon intérêt spécifique. Mais je ne vais certainement pas dire ça comme ça dans un moment pareil. Par ailleurs, je n'ai pas été très malin tout à l'heure.

    « Comme par exemple 'embarrasser les autres', tu veux dire ? »

    J'esquisse un sourire jaune embarrassé, détournant le regard. On m'a bien fait essayé de nombreuses choses durant mon enfance, mais il n'y en a pas beaucoup qui ont su assez retenir mon attention pour que je m'y consacre. Ce que je voulais faire, c'était gouverner et pouvoir faire tout ce que j'avais envie de faire. Mais bon, quand on a cinq ans, on dit pas forcément des choses très intelligentes.

    « Je n'ai pas... vraiment de hobby. Je ne sais pas faire des tas de trucs comme toi. »

    Il y a plusieurs trucs que j'aime. L'équitation, la lecture, l'écriture, la danse, les jeux... Mais je ne peux pas dire que je sois vraiment doué ou passionné par l'un d'eux.

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    Je sens qu'il est embarrassé. Je ne saisis pas pourquoi au début, ne voyant pas ce que ma question a d'étrange ; mais en le voyant avec cette expression si malaisée, je regrette bien vite. Même pour moi qui ne suis pas si doué que ça pour comprendre les émotions, je peux sentir son malaise. Mon expression et mon regard se radoucissent en même temps, tandis que je hoche négativement de la tête.

    « Non non, ce n'est pas ça. Je ne parle pas de savoir faire des choses, mais de faire des choses même si tu n'es pas forcément doué. Parce que cela fait du bien. »

    Désolé de l'avoir mis mal, je me permets de venir poser ma main contre l'un de ses poignets pour le serrer doucement et tenter de le rassurer comme je peux ; un geste auquel je ne réfléchis pas plus que ça alors que je le fixe avec douceur. Comme celui de ma seconde main qui vient se porter sur son visage pour qu'il me regarde et ne se cache pas de cette manière. Un sourire inconsciemment tendre sur le visage, je reprends alors la parole.

    « Mais moi, je trouve que tu as plus de talents que tu ne le crois. Je n'admire pas n'importe qui, tu sais. »

    Enfin, « admire »... Ce n'est pas faux, mais ce n'est pas vraiment la version la plus honnête de mes pensées véritables. Mais je ne peux pas vraiment me mettre à dire ce genre de choses, alors je passe par des anaphores.

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    Il est gentil. C'est aussi pour ça que j'ai fini par l'aimer, après tout. Par... Vraiment l'aimer. Mais je ne vois pas ce qu'il espère, en vérité. Je n'ai rien de particulier ou de bien intéressant à raconter sur moi. 'Je lis des romans à l'eau de rose mais c'est un peu la honte alors je l'ai dit à personne, ah et je rêve la nuit de mettre ma langue dans ta bouche' yay super.
    La mine un peu renfrognée, je manque de soupirer mais je suis arrêté quand il reprend de la douceur dans sa voix, et surtout dans ses gestes. Je sens mon rythme cardiaque s'accélérer lorsqu'il prend mon poignet et touche mon visage avec une certaine tendresse. Je n'ai d'autres choix que de le regarder mais je n'ai pas l'air fin, à rougir d'une telle manière.

    « T-Tu... Tu m'admires ?.. »

    Qu-Qu'est-ce qu'il raconte, encore ?!
    Gêné, je baisse timidement le regard avant de baisser un peu maladroitement ma capuche sur ma tête pour cacher la couleur de mes joues, mais sans grand succès.

    « Pfft, je ne vois pas de quoi... J'y connais rien en plante, et... Et je suis pas... Je me démarque pas forcément de quelqu'un d'autre. »

    Je ne vois pas pourquoi il tient à me dire le contraire. Je n'ai pas grand chose pour moi hormis une couronne, quand on y pense. Je ne fais pas de magie, je ne fais pas de constructions... Je me débrouille à l'épée mais je suis loin d'être le meilleur. Enfin, malgré tout... J'apprécie sans doute un peu trop la chaleur de sa paume sur mon visage. Hé, il y a bien une chose que j'aime spécifiquement faire durant mon temps libre, quand j'y pense.
    Te regarder.

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    Je le rends confus. Je ne saisis pas vraiment en quoi. Mais sa manière de réagir m'indique qu'il ne joue pas la comédie quant à son étonnement, ni par rapport à sa gêne qui devient évidente dès lors que l'on regarde son visage et son comportement. Perplexe face à sa manière de nier et de son insistance, je hausse les sourcils, avant que ce ne soit finalement une expression de désabus qui prenne place sur mon visage.

    « … Imbécile. »

    Pour peu, je commencerai presque à lui tirer les oreilles, et ce n'est pas l'envie qui m'y manque. Il a vraiment le chic pour surjouer l'assurance afin de dissimuler toute cette énergie dépensée à se dénigrer lui-même.

    « Ce n'est pas ça, que j'admire. Je ne suis pas aussi superficiel. »

    … Ou du moins, je ne le suis plus. Je ne vais pas mentir, je suis toujours impressionné par les personnes vives d'esprit ou cultivées, mais c'est un trait que je... Tente de modérer. Vu ma famille, j'ai de toute façon eu l'occasion de voir que ce n'était pas un trait sur lequel il fallait baser son jugement, contrairement à d'autres. Dans un soupir, je ne fais pas attention au fait que ma main n'a pas quitté son visage.

    « J'admire ta capacité à être doux et bienveillant. La manière dont tu te préoccupes des autres, surtout quand ça ne te rapporte rien. La tolérance dont tu as toujours fait preuve à mon égard. La détermination que tu as quand tu es certain de quelque chose... »

    Mon ton finit par traîner lorsque je remarque que cela fait tout de même beaucoup d'éléments ; un peu trop, peut-être, pour que cela ne soit pas suspicieux. Mais je me préoccupe moins de cet élément quand je l'entends dire de pareilles sornettes.

    « … Et je me fiche de la manière dont les autres se démarquent. Ce n'est pas un élément qui m'intéresse. »

    Le ton plat, je ne vois en effet pas vraiment ce que cela a à faire là. Pour moi, qu'il se compare sans arrêt est un non-sens.

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