Je n'ai pas tout de suite compris. Il m'a fallu un moment -et un peu d'aide de ma mère- pour savoir ce qui m'arrivait. Mon cœur essayait de me parler, mais je ne pouvais pas l'entendre. Je ne saisissais pas ce qu'il voulait me dire. Je n'ai jamais su comment interpréter son langage, car je n'ai jamais eu à le faire. J'ai éprouvé de l'admiration, des béguins passagers, mais... L'amour le plus passionnel, je ne le connaissais pas. Jusqu'à ce jour. Quand j'ai senti ma poitrine battre fort. Très fort. Quand j'ai commencé à sourire bêtement le matin quand il était la première chose que je pouvais voir en me levant. Quand j'ai commencé aussi à me lever même un peu plus tôt pour le regarder dormir d'un air paisible, parfois écarter chastement quelques mèches de cheveux lui tombant sur son visage d'ange. Je me suis mis à ne regarder personne d'autre que lui, à peiner à comprendre pourquoi tout le reste semblait invisible à mon regard. 'Vous pouvez aller avec qui vous voulez' qu'il m'a dit avant notre mariage. Mais je ne le voulais pas. La perspective de savoir que je m'endormirai toutes les nuits à ses côtés avait quelque chose de grisant et me faisait autant sourire que rougir quand je le réalisais. Si je lui avais permis de prendre un autre lit, le premier soir où nous avons dormi ensemble, je suis heureux aujourd'hui qu'il ne l'ait pas fait, car cela aurait voulu dire que nous serions resté loin de l'autre. Une perspective qui ne me gênait nullement alors, me rassurant plutôt, mais qui aujourd'hui me frustrerait à envisager. Tant qu'il ne s'éloigne pas, cela me va. Dans le lit, durant la nuit, il m'est arrivé de me rapprocher, lentement, discrètement, le plus près possible de Natsume pour espérer, au réveil, qu'il ne me rejette pas. Jusqu'à présent, il ne l'a jamais fait. Peut-être qu'il s'en fiche, de tout ça. Il ne sait pas que j'ai fini par... l'aimer, oui, plus que ce que j'aurais cru. L'aimer réellement comme nous sommes supposés le fausser en public. J'ai craint au départ que ça ne soit qu'un effet étrange de ce mariage arrangé, comme si je m'étais forcé. Mère m'a rassuré. Elle m'a bien observé. 'Ce sont des sentiments, pas de doute'. Pas de doute mais en revanche des tas de questions, beaucoup d'appréhension, et énormément... d'imagination. Ma tête tourne au grès de mes fantasmes les plus inavoués. Peut-on me blâmer ? J'ai jeté mon dévolu sur quelqu'un qui ne semble pas du tout intéressé par ça. Si j'ai pu percer une partie de sa carapace, je sais qu'il y a des lignes que je n'ai pas encore franchies.
« Pour encourager les gens à faire la paix, j'ai instauré une foire annuelle pour laisser le peuple s'amuser en l'honneur de la trêve. Tu veux venir voir ? »
Il fait encore beau dehors. Nous avons un peu de temps devant nous aujourd'hui. Depuis le balcon de notre chambre (et il est étrange de l'appeler ainsi alors que pendant si longtemps ce fut la mienne à moi seul), je regarde au loin les stands et échoppes qui s'étalent à travers la ville en formant une ligne qui va d'un bout à l'autre de notre capitale. Je suis de bonne humeur, aujourd'hui. En effet, j'ai quelques projets en tête.
« On peut se déguiser, si tu veux. »
Je m'approche de mon coffre pour y sortir des capes au cas où il voudrait passer incognito s'il accepte de m'accompagner. Je n'oublie pas que Livie aussi a des sentiments pour Natsume. Je ne lui ai pas encore dit. Autant à Livie qu'au concerné de l'histoire. Mais je compte bien tenter quelques approches, et puisque lea garde ne s'est toujours pas décidé, je ne vais pas me gêner pour m'amuser un peu et profiter de la compagnie de mon 'époux'.