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  • God save the Queen - Page 2
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    Le dragon protecteur d'Yggdrasil s'est réveillé. Au milieu du mariage de Gaston et Camélia, souverains d'Altissia et Caldissia, la statue figée depuis un millénaire a quitté son socle pour arpenter le ciel de la cité. De son rugissement puissant, il a fait appel à des monstres sauvages pour encercler Yggdrasil, rendant les entrées et sorties en son sein impossibles. Progressivement, les vivres viennent à manquer et les stocks se vident sans pouvoir se remplir...
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    Si on me demandait de m'expliquer sur ce choix soudain et pourquoi je n'ai pas pu attendre que nous soyons de nouveau entouré de l'assemblée, je répondrais sans doute que je n'en sais rien. Ce serait un mensonge. La vérité est qu'au fond, ce fut une impulsion soudaine. Une sorte de besoin impérieux, comme un manquement qu'il était temps de rétablir. Alors oui, cela manquait d'officialité ; mais je me dis que nous en aurons bien assez par le futur. Au fond, mes raisons étaient plus égoïstes : je voulais être le premier à l'appeler et le voir ainsi, loin des regards. Comme une vision exclusive dont je m'enorgueillis sans l'admettre. La mine satisfaite quand j'éloigne mes lèvres de celles de mon amant, mon regard est tranquille mais animé par des lueurs qui me feraient presque ressembler à un pacha hautain. Je suis toutefois pris de court par les mots de celui que je viens d'épouser. Si j'ai un court instant d'arrêt, c'est néanmoins un rire clair, tirant sur le ricanement, qui quitte mes lèvres.

    « Nous verrons cela quand nous aurons survécu au reste de la cérémonie. »

    Le rose sur mes joues est un reste de timidité qui commence toutefois à s'étioler, à force de plaisanteries entre nous à ce propos. Toutefois, mon propos est vrai : ce n'est pas car ce petit contretemps a eu lieu que nous n'allons pas officier comme si de rien n'était à partir de maintenant. Après tout, le double de ma tenue m'attend, et nous avons encore les anneaux à échanger officiellement, les vœux, les danses, le... Oui, tout le reste. Disons que le fait de mettre cette couronne sur sa tête était un avant-goût que je me suis permis de saisir, bien égoïstement.
    Parlant de cela, d'ailleurs, je suis surpris de le voir... S'inquiéter ? Oui, c'est cela, je crois bien. Il s'inquiète du fait que la couronne puisse potentiellement ne pas lui aller. Je ne m'attendais pas à cela, à vrai dire. Je l'observe sans un mot, avant de retirer l'un de mes gants. Ma main désormais libre et dénuée de toute tâche de sang vient se poser sur sa joue tandis que je l'observe avec un regard empli d'une affection que je ne cherche pas à cacher.

    « Vous n'en avez pas eu besoin pour me charmer, mais elle vous va très bien. »

    Les accessoires et les accoutrements ne m'émeuvent pas énormément, mais il y a autre chose derrière tout ça. Un symbole qu'il me plaît à voir et qui fait frémir dans ma poitrine des étincelles chaudes, qui fait naître un sourire léger mais naturel sur mes traits. Et j'ai bien l'intention, d'ailleurs, de l'observer pendant de nombreuses années.

    -

    Il ne fallut pas longtemps pour passer à autre chose. Comprenez, il ne s'agissait que d'un bref contretemps, comme il pourrait arriver qu'on perde un bouquet. Alors pendant que nos soldats se chargeaient de dégager les corps et de s'en débarrasser, nous nous sommes changés et avons pris la route de la seconde salle préparée tout spécialement pour aujourd'hui. Comprenez, il y avait quelques petites priorités. Nous n'allions pas décaler la cérémonie pour si peu : surtout ledit contretemps était parfaitement prévu.

    Et le reste des festivités se déroule sans le moindre accroc, maintenant que nous avons retiré les mauvaises herbes. Je savais mon amant mièvre, mais je suis presque étonné de le voir à deux doigts de verser des larmes quand je lui passe finalement l'anneau doigt. Je ne me retiens pas de lui faire une boutade ou deux, d'ailleurs, appréciant de pouvoir plaisanter maintenant que nous sommes tranquilles. Enfin, tranquilles. Nous et la petite centaine d'invités direct qu'il va bien falloir divertir. Tss... Si ça ne tenait qu'à moi, cela aurait été bien plus rapide. Mais bon. Il faut y mettre les formes, et je sais que Samaël y tient.

    Parlant de ça, d'ailleurs... Je sens aux regards qui se sont portés vers nous que l'assemblée attend quelque chose. Je ne retiens pas un soupir, franchement désabusé. Pourquoi donc sont-ils incapables d'aller s'occuper sans tout ce déballage de rituels ? Je l'ignore. Replaçant distraitement l'anneau à mon doigt, je finis par tendre la main à mon amant pour lui faire signe que je l'attends.

    « Vous m'accompagnez ? »

    Et la musique est déjà lancée. Pour peu, je croirais presque que quelqu'un les a pressé.

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    Sensible à la flatterie et aux compliments quand c'est lui qui me les adresse, je souris doucement face à ses propos et la main chaude qui se pose sur ma joue. Je veux faire... "honneur" à la mémoire de sa mère en portant dignement cette couronne qu'elle n'a pas pu garder aussi longtemps qu'il aurait fallu. J'espère être suffisamment noble pour cette estime que mon amant me fait en me confiant ce titre qu'il n'aurait réservé qu'à la seule personne qu'il aurait jugé assez méritante.
    Nous n'avions pas à le faire si ça le fatiguait, mais je ne peux cacher ma satisfaction quant à la seconde cérémonie (la vraie) à laquelle nous avons droit. Troquant les vêtements ensanglantés contre la doublure (ou plutôt l'inverse), le fait d'avoir coupé des têtes ne m'empêche pas d'être ému, tant et si bien que mes doigts tremblent un peu en lui passant son anneau. Mais une fois que nous sommes libérés du côté "solennel", c'est un soulagement sur mes épaules. Je suis heureux de tout ça, bien sûr, mais je souhaite quand même qu'on soit fier de cette place que l'on m'offre.
    La musique change, d'ailleurs, et si je ne suis pas surpris des regards que l'on pose sur nous, je mets du temps à comprendre ce qu'ils attendent désormais, quand le banquet est sur les contours de la salle. Heureusement, Natsume me tend la main pour m'impliciter une invitation à danser.
    Oh. Oui. La danse des mariés.
    J'hoche timidement la tête avant de lui prendre la main et de me mettre face à lui, l'autre main posée sur sa taille. Cela faisait un moment que je n'avais pas dansé, tiens. Mais je suis toujours ravi que ce soit avec lui. Au moins, je fais suffisamment attention pour ne pas lui marcher sur les pieds, et on m'a pas mal rabâché pour que je prenne des cours de danse, alors pour une fois, ça va vraiment me servir. Mais même si c'est un peu intimidant que la salle entière nous observe, je suis quand même content de danser avec lui. Je sais que c'est un privilège. Que la danse n'est pas quelque chose dont il est particulièrement friand non plus. Après plusieurs minutes, quelques invités se joignent également sur la piste. Je me permets de me rapprocher un peu plus de mon amant, penchant ma tête vers la sienne.

    « Au fait... Comment va... »

    Mes yeux se baissent vers son ventre. Le ton de ma voix descend encore un peu plus.

    « ... notre invité secret ? »

    Je m'en étais un peu inquiété par tout le remue-ménage de tout à l'heure, sans me permettre toutefois de le materner. Je sais que les moments de tension ou de nervosité peuvent être néfastes parfois pour les grossesses.

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    Je ne suis pas particulièrement friand de la musique et de la danse, mais c'est une des nombreuses choses qu'on m'a fait apprendre dès mon plus jeune âge, quand bien même je n'y avais jamais montré la moindre prédisposition. Pour être honnête, la seule raison qui fait que je ne suis pas actuellement en train d'écraser les pieds de mon partenaire est que j'ai passé un nombre d'heures incalculables dans des cours divers et variés. Mon amant, en comparaison, semble s'en sortir presque naturellement. J'ignore sans trop de difficulté les regards qui sont posés sur nous, y étant habitué, me contentant de garder ma main contre sa taille et de suivre le rythme en espérant que nous n'aurons pas à maintenir cette position pendant trop longtemps. Heureusement, d'ailleurs ; pour une raison qui se rapproche assez de ce qu'évoque mon partenaire en se rapprochant ainsi de moi.

    « Je ne pourrais vous dire. Je ne peux pas voir ce qui s'y passe. »

    Mon expression est désabusée. La grossesse est trop précoce pour que je puisse commencer à ressentir beaucoup de choses ; on m'a prévenu toutefois que cela ne saurait tarder. Je n'y ai pas particulièrement hâte, à vrai dire. L'idée d'être capable de moins que d'habitude me déplaît, et j'en ai eu un avant-goût tout à l'heure. Légèrement bougon malgré moi, je retiens un grommellement agacé.

    « Mais je ne sens rien, hormis un manque de souffle par moment. Et le poids que je commence à prendre. »

    On m'a toujours dit que ça ne me ferait pas de mal, mais j'ai l'impression d'avoir perdu en endurance et en rapidité dans mes mouvements, comme si je m’empattais. Cela m'agace, mais je ne peux rien y faire. J'ai bien assez à penser comme ça pour m'occuper, de toute façon. Et parlant de ce parasite... Je reste à côté de la tête de mon amant quand je parle, de manière à ce que personne ne nous entende. Les invités autour penseront sûrement à des mots doux et autres mièvreries.

    « Il faudra programmer l'annonce pour bientôt. D'ici quelques semaines, pour que cela paraisse crédible. »

    Ou du moins, pour qu'il n'y ait pas moyen qu'on devine que nous avons peut-être pris un peu d'avance sur la conception (accidentelle, cela dit) de l'héritier à venir. Mais dès lors que l'annonce sera faite, il y aura tout un ensemble de réactions à gérer et de rituels stupides à honorer. J'en soupirerais presque d'avance en laissant mon front se poser contre celui de mon mari. Je le détaille brièvement, toujours surpris de la chaleur qui fourmille dans la poitrine lorsque je le fais. Mes yeux ne sont toutefois pas là pour le détailler avec des arrières-pensées, pour une fois. Je m'inquiète d'un autre point.

    « Vous n'avez pas... Été trop blessé ? »

    Je ne crois pas l'avoir vu prendre de coups, tout à l'heure, et il ne montre pas de signe d'inconfort évident (ou alors c'est son talent d'acteur qui joue). Toutefois, la question me travaille malgré moi. C'était mon idée, ce piège ; alors je me sens responsable.

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    C'est vrai que nous n'avons pas pris le temps de vérifier auprès de Mikaël l'état du fœtus. Je ne dis pas que ce qui s'est passé tout à l'heure avait forcément pu lui nuire, mais je peux parfois être du genre inquiet. Surtout que... J'ai l'impression d'être le seul à vraiment être heureux de cette grossesse. Qu'il ne le montre pas ne veut pas dire qu'il n'est pas content, et je me rends bien compte que nous n'avons pas le même point de vue de toute façon puisque c'est lui qui le porte. Tout de même, cela me rassurerait de savoir son avis sincère, même s'il m'a confirmé vouloir aller jusqu'au bout. Bien sûr, cela m'enchante, mais je ne voudrais pas que ça soit une responsabilité ingrate pour lui. J'ai néanmoins hâte que nous l'annoncions à tout le monde.
    Laissant son front se poser contre le mien, je me détends alors que mes pas et mes mouvements de danse se font plus lents mais plus naturels aussi. Même si les regards sont posés sur nous, je les ignore royalement (c'est le cas de le dire), faisant toutefois très attention à ce que la couronne ne se déloge pas de ma tête ; cette dernière, par son poids, n'a pas l'air de bouger d'un pouce cependant.
    Son inquiétude quant à mon état réchauffe doucement ma poitrine. Il n'a pas à s'en faire, mais cela brosse toujours mon ego dans le sens du poil de recevoir de l'attention de sa part.

    « J'ai connu pire. Rien que sous le règne de Kazuo. A côté de ça, c'était des rigolos, ceux de tout à l'heure. »

    Mais si je compare avec ce qui s'est passé du temps de l'ancien monarque, rien ne pourrait me sembler grave, en comparaison.

    « Je m'inquiétais surtout pour vous. Enfin... J'ai toutefois vite remarqué que vous saviez vous débrouiller. »

    Il reste là, toujours dans mes pensées, et surtout lorsque nous nous battons. Toutefois je ne veux pas qu'il pense que je le sous-estime ou que je le traite comme un enfant qui ne sait pas se défendre. Je l'aime juste trop pour ne pas m'en faire un petit peu plus à chaque fois.
    Je ne peux m'empêcher de revenir néanmoins sur le sujet de la grossesse. Il y avait juste quelque chose qui me tracassait plus que le reste.

    « Cet enfant à venir... Je me demandais si... Il y avait une raison pour laquelle vous vous étiez décidé à le garder, finalement. »

    Je ne veux pas que ça le gêne, que nous en parlions. Mais j'ai surtout envie qu'il soit heureux, également, de porter notre enfant. Même s'il ne se sent pas prêt, j'aurais été capable d'attendre qu'il le soit, quitte à ce que nous provoquions un avortement pour celui-là.

    « Je sais que cela permet d'être un peu tranquille au niveau des remarques, mais... D'un point de vue personnel... Vous le désirez aussi ? Être parent, je veux dire. J'ai bien conscience que c'est un peu soudain, tout ça. »

    "Un peu" étant bien sûr un euphémisme. A peine nous avions avoué nos sentiments, à peine Kazuo était mort, à peine fût-il couronné roi à son tour qu'il y avait désormais cette question de parentalité et d'héritage qui s'était posée malgré nous, bien avant même que les conseillers viennent insister là-dessus auprès de Natsume. Tout est allé si vite, et je m'en veux encore un peu pour ça. J'espère juste qu'il ne s'est pas senti privé de liberté à cause de moi.

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    Je me détends davantage quand il me confirme ne rien avoir, mais sa manière de le dire me tire malgré tout une mine désabusée. Sa tendance à jouer les gros bras pour qu'on ne se concentre que sur mon sort est assez transparente, à vrai dire, bien que je craigne ne pas pouvoir y faire grand chose. Je ne retiens pas un soupir, bien qu'il sache comment me graisser la patte en flattant mon ego. En un sens, il doit être le seul à avoir ce pouvoir, ce qui en limite les dégâts. J'abandonne l'idée de l'interroger davantage à ce sujet, me disant que j'aurai toujours le temps de vérifier par moi-même à l'occasion. D'ailleurs, voilà qu'il rempile au sujet de notre « invité surprise ». Je hausse les sourcils sans rien dire au début, me contentant de l'écouter tout en veillant à ne pas écraser ses pieds. J'imagine que son interrogation fait sens. Je ne me suis pas expliqué plus que ça en soi, mais c'est surtout car à mes yeux, il n'y avait pas matière à faire complexe. Quand il me fait part de la précipitation de tout cela, il n'a pas tort ; toutefois, j'ai peut-être un biais largement explicable à ce propos.

    « Après dix ans passé dans une cage, je dois admettre que la soudaineté n'est pas ce qui me brusque le plus. »

    La main contre sa taille, j'ai l'impression qu'il y a plus d'aisance dans nos gestes. Que nous bougeons plus uniformément, comme un seul corps, au final. Même alors que mes membres sont collés aux siens, je ne cesse pas de parler, l'expression neutre. J'admets ne pas être foncièrement à l'aise quand il s'agit de réfléchir et de discuter de ces sujets, ce qui me pousse à y mettre un terme rapidement la plupart du temps. Mon regard s'abaisse sur un point invisible dans l'air.

    « Pour lier l'utile à l'agréable, dans un premier temps. »

    Je suis quelqu'un qui pense pratique d'abord et confort ensuite. Un penchant naturel mais qui n'a été que d'autant plus exacerbé à force d'habitude. Pour autant... Je mentirais si je disais qu'il s'agit de ma seule motivation, cette fois-ci. Il y a quelque chose de plus... Déraisonnable, si je puis dire, qui biaisent mes actions. Mes pas sont un peu plus lents, marqués par mon hésitation à l'idée de partager cette pensée stupide.

    « Ensuite, moins rationnellement... Car il vient de vous, également. »

    Elle me parasitait l'esprit en n'ayant rien d'à peu près logique. Ce genre de sentimentalité frivole ne me ressemble pas, ou du moins ne me ressemblait pas ; je ne me connaissais pas, jusqu'alors, ce genre de penchant. J'en suis embêté, maintenant, ce qui me fait renâcler d'autant plus à en discuter.

    « Je ne saurais l'expliquer en détails. Je n'ai pas d'exemple de... 'Parentalité', à vrai dire. »

    Au delà de la nature de mon géniteur qui n'en faisait peut-être pas le plus représentatif, mon rôle également m'impose certaines particularités qui ne me permet pas de comparer ma situation avec un cas classique. Alors j'y vais, comme beaucoup de choses depuis notre 'rebellion', plus ou moins instinctivement mais avec prudence. Cela ne m'a pas desservi jusque là.

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    Tant mieux si le fait que tout arrive vite ne lui pose pas de problème. Tout comme moi, je suppose qu'il s'adapte aux situations. Nous aurions pu faire le choix de ne pas le faire. Mais nous avons décidé de le garder tout de même. D'accueillir ce petit bout de nous qui arrivera dans quelques mois. Et si je regrette un peu du coup de lui faire porter le poids d'une couronne sans qu'il ne l'ait demandé, je suis hâtif de le voir et de m'en occuper. De l'élever comme il se doit et de connaître ce bonheur-là, celui d'être parent ; aux côtés en plus de la personne que j'aime.
    Comme il me l'avais déjà dit, c'est d'abord pour un côté pratique. En effet, on arrêtera de le pousser à tomber enceint quand ils seront, tous, rassurés (ou inquiets, allez savoir) quant à la naissance d'un héritier. Relève assurée pour peu qu'il ne lui arrive rien, mais qu'ils soient assurés que je protègerai cet enfant au péril de ma vie, même si je devais la perdre. Pas encore né que je fais ce serment-là, mais aurait-il pu en être autrement ? Je ne laisserai pas Natsume s'encombrer d'une grossesse qui semble le gêner pour que notre fils ou notre fille à naître ne grandisse pas dans de bonnes conditions.
    Car il vient... de moi ?..
    Ce n'est pas vraiment une question. Plus... une constatation. Une réalisation. Oui... Oui, c'est vrai. J'en avais pris conscience, mais quand il le dit, c'est encore plus flagrant. Car c'est lui qui porte ce bébé mais il aura autant de Natsume... que de moi. Un peu de nous deux. Quel en sera le résultat ? Ce sera la surprise. Une bonne surprise. Je suis curieux. Inquiet, aussi, mais j'imagine que c'est normal, quand c'est la première fois. Mais cela me flatte beaucoup que l'une des raisons qui l'aient décidé me concerne également. Cela lui fait donc plaisir d'avoir un peu de moi en lui. Emu, j'en souris à nouveau timidement, le rouge remontant à mes joues alors que je laisse dans ma poitrine quelque chose de chaud m'entourer. Et s'il n'a en effet pas eu le meilleur exemple pour ses parents, je souhaite que nous remédions à cela et que nous apprenions ensemble comme tout ceci fonctionne. Mais ces raisons me conviennent : il n'a pas besoin d'en dire plus.
    Sous le coup de l'émotion, je rapproche finalement ma tête pour lui donner un baiser, doux mais non bref, même si nous ne sommes pas en privé, pour lui faire part de la joie qu'il me procure. Ma main vient caresser sa joue lorsque mes lèvres s'éloignent, pas très loin des siennes.

    « J'espère... qu'il ne tiendra pas trop de moi, ou il risque d'être infatigable. »

    Je me permets la plaisanterie, même si je serais tout à fait apte de m'occuper d'un gamin très énergique.
    Je lance ensuite à mon amant un regard affectueux, un peu plus sérieux.

    « Nous apprendrons ensemble. Rien ne peut nous arrêter, lorsque nous sommes tous les deux. »

    Le cœur empli de sentiments positifs et tendres, il me tarde désormais que la fête se finisse pour que je puisse laisser mon amour s'exprimer à travers des caresses et des baisers qu'il me manquait de lui. Grâce à lui, je flotte sur un nuage dont je n'aurais pas cru pouvoir rêver.

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    Je ne savais pas ce qu'il attendait comme explication, à vrai dire, alors je me suis contenté d'énoncer les choses comme elles l'étaient. Plutôt neutre sur la question, je suis étonné lorsqu'il rapproche sa tête et vient m'embrasser sans un mot, les yeux ouverts de surprise, avant qu'une chaleur chaude et frétillante ne prenne mon ventre. Même si j'entends des murmures autour de nous, quelques uns teintés d'indignation, je dois dire que son audace est aussi ce qui me charme chez lui. C'est aussi cette manière qu'il a de venir toucher ma joue sans que son regard ne me quitte, comme désintéressé de tout ce qui nous entoure. Je sens ma gorge se nouer d'une nervosité fébrile, sans qu'elle ne soit désagréable pour autant. Face à sa plaisanterie, toutefois, je ne retiens pas un rictus hautain.

    « A vrai dire, j'espère bien le contraire. Un peu de vigueur ne fera pas de mal à ce trône. »

    C'est bien ce que je veux, après tout. Secouer ce royaume morne et encrassé. Le faire quitter son lit de corruption et de pourriture, quitte à ce que ce soit par la force. L'optimisme de mon amant, même si il tend à me tirer des soupirs désabusés lorsqu'il se couvre de mièvrerie à peine cachée, m'adoucit malgré moi.

    « Rien, rien... Attendez de voir le nombre de réunions barbantes qui vous attend, vous demanderez le divorce. »

    Je me permets un ricanement caustique. Enfin, les regards se sont (légèrement) éloignés de nous et nous pouvons légitimement cesser de danser pour partir nous restaurer et nous occuper d'une autre manière. Je ne suis pas contre l'idée. Je désirais, en plus de ça, m'entretenir avec ma belle-mère à l'occasion, car je n'avais pas eu l'occasion de discuter avec elle jusque là. Ça sera l'occasion de faire quelques alliances, en plus, j'imagine.

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    J'endosse sans doute trop facilement le rôle de "reine". Ou alors c'est que je n'y pense plus. Je suis trop sur mon nuage encore suite à la cérémonie de mariage que j'en oublie même le carnage qui a eu lieu quelques heures plus tôt. Enfin, de toute façon, ce genre de scène est une routine, pour moi. Mes mains sont rouges à vie de tout le sang que nous avons dû faire couler pour parvenir à faire ce monde idéal que nous voulions fonder ensemble. Je sais que les ennuis ne sont pas finis et qu'il y a peut-être encore des alliés de Kazuo qui sont cachés dans un coin du pays, mais nous aurons l'occasion d'aborder ce sujet plus tard et je pense que nous parviendrons à ramener suffisamment de fidèles sur notre coupe pour ne pas que nous ayons à nous en inquiéter plus que ça. Il est possible que mon rôle de roi consort me donne d'autres responsabilités que l'armée, mais ce n'est pas pour autant que mon rôle de protecteur et chevalier servant va s'arrêter. Natsume est le seul qui ait fait le choix judicieux d'épouser celui qu'il aimait et celui qui le protègerait envers et contre tout ; car il ne trouvera pas plus loyal que moi. Par ailleurs, au moins, la question de l'héritier ne se posera pas non plus dans quelques mois, vu que nous allons même contenter le peuple et les conseillers à ce sujet. Non, vraiment, je ne vois pas ce qu'ils pourraient redire à notre union. Et si j'ai hâte en effet que notre futur enfant montre de quoi il est capable, cela me rassure d'autant plus en entendant mon conjoint en parler beaucoup plus légèrement qu'avant. Un heureux accident, pourrait-on dire. Mais pour mon roi, je serais prêt à affronter toutes les réunions barbantes du monde.
    Ma mère reste d'ailleurs intimidée par mon mari alors qu'elle fut en première ligne pour assister aux échanges de vœux. Pour elle aussi, cela lui fait étrange d'avoir un lien aussi étroit avec le roi. Il faudra bien qu'elle s'habitue, pourtant, vu que je compte bien ne pas le lâcher de sitôt.



    « Ça fait du bien quand ça s'arrête, quand même. »

    Lorsque la fête est finie -ou du moins que nous sommes légalement autorisés à nous éclipser-, je ne me retiens pas pour amener mon amant à l'abri des yeux indiscrets qui pourraient nous voir. Pour ce qui sera notre nuit de noces, nous avons bien le droit à un peu d'intimité. C'est dans les jardins que je l'emmène d'abord pour nous promener, me rappelant une promesse qu'il m'avait faite alors. Je suppose que j'aurais moins besoin de son autorisation pour aller où bon me semble, dorénavant, même si dans son état, je risque de ne pas le quitter d'une semelle tant et si bien qu'il finira par en avoir assez que je traîne dans ses pattes. La main dans la sienne, je m'arrête un instant pour poser l'autre sur son ventre que je caresse distraitement, alors que ce dernier n'est pas encore assez bombé pour que l'on puisse émettre des doutes. Natsume n'étant pas bien gros, ça ne prendra pas longtemps aux autres avant de comprendre. Mon regard posé sur lui est doux.

    « Je suis content... de vous avoir donné envie de vivre. »

    C'est une confession qu'il m'avait faite, l'autre soir. La raison qui fait qu'il a décidé de réfléchir sur la grossesse. Qui fait qu'il n'a pas opté tout de suite pour un avortement alors que c'était le choix qui paraissait le plus logique. Au final... Il était curieux. Il ne disait pas non. A cause de moi. Ou grâce à moi. Cela me fait plaisir qu'il l'ait fait dans tous les cas, et je ne me rendais pas compte de l'impact que j'avais sur lui auparavant, mais cela gonfle un peu mon ego de le savoir.

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    « J'aurais presque préféré continuer à me battre... »

    Je soupire d'un air désabusé lorsque nous finissons par réussir à nous éclipser. La garde n'est jamais bien loin, quand bien même elle a consenti à nous laisser en paix dans les jardins ; au moins, nous y serons tranquilles. Une bonne part des soldats sont encore occupés à se débarrasser des corps excédentaires, alors c'est tout à notre avantage. L'air frais est agréable, après ces longues heures passées sous les parfums de la nourriture, de la boisson et des parfums des invités. Ma tête se redresse légèrement, comme si je cherchais à en goûter le contact, soufflant de satisfaction en en sentant la brise sur mon cou. Je n'attendais plus que ça. Le silence, le calme, et l'odeur des plants autour de moi. La main de mon (ancien) chevalier dans la mienne.

    Lorsque nous nous arrêtons au détour d'un chemin, je hausse les sourcils en le sentant caresser mon ventre. Le geste n'est pas désagréable, mais il me surprend encore. C'est un réflexe qui le prend de plus en plus, bien que je n'ai pris qu'une dizaine de livres pour le moment. Je le laisse faire sans un mot, choisissant plutôt de porter mon regard vers les arches de fer au dessus de nos têtes. Elles sont encore vierges de toute floraison et me paraissent bien plus pauvres que lorsque j'étais enfant. J'aimerais les voir se colorer à nouveau, mais je n'ai pas le talent ou le sens artistique de ma mère en la matière. C'est étrange. Pendant longtemps, je ne m'imaginais pas vouloir les faire fleurir à mon tour. Un peu comme...

    Les mots de mon amant me tirent de mes pensées. Rabaissant mon regard sur son visage dont l'expression douce tend à m'intimider, mes joues prennent des couleurs. Mes yeux se détournent presque instantanément d'embarras, bien gêné qu'il remette mes propos d'il y a plusieurs soirs en avant alors que je les trouve bien ridicules, en y repensant. J'étais on ne peut plus pathétique, et pourtant il avait bien la patience de supporter mes caprices. Silencieux au départ, c'est quand je regarde à nouveau les plants autour de moi que je me laisse aller à quelques aveux à mon tour.

    « Pour être tout à fait honnête... C'était tout ce château, que je voulais voir brûler. »

    Mon ton est calme alors que mon regard se pose brièvement sur ces grandes tours que je connais par cœur. Pendant longtemps, pourtant, je les ai vu de loin. Enfermé dans une cage, je ne rêvais plus que d'une chose : détruire ma propre prison, quitte à disparaître avec. Je me fichais bien du reste. Je voulais juste voir ce symbole s'effondrer. Je mentirais pourtant si je disais qu'il n'y avait en moi qu'un désir vengeur. Brièvement, je m'arrête sur une haie qui peine à faire vivre quelques fleurs.

    « Même ces jardins. »

    Ma mère les avait pourtant soigné. Elle les avait aimé, ces fleurs. Elle m'avait appris à m'en occuper, à reconnaître leur mauvaise santé quand bien même on lui faisait remarquer que mon éducation ne devait pas s'embarrasser de telles 'trivialités'. Après sa mort, elles avaient dépéri. Il n'y avait plus rien. A quoi bon, donc, chercher à les remplacer ? Brûler me paraissait presque une délivrance.
    Enfin, pour qui, ça...
    Je me garde d'aller sur ces pensées. Au lieu de cela, j'affiche un rictus désabusé, portant sur mon compagnon une mine plus tranquille.

    « J'imagine qu'il me faudra un peu d'aide, pour rénover. »

    C'est dans les prérogatives des consorts, de toute manière. Mais parlant de ça, toutefois, une pensée continue de me tourner en tête.

    « J'espère simplement... »

    Je fais une brève pause. Je cherche mes mots.

    « … Que je ne vous étoufferai pas par ce rôle. »

    Je ne sais pas de quoi exactement je parle. Ce rôle de consort, qui n'est pas sans désavantage ? Ce rôle de père, qu'il se voit devoir prendre bien rapidement ? … L'un comme l'autre, au final, le problème est le même.

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    Je ne devrais pas être surpris d'entendre que le château entier devait être détruit, puisqu'il m'avait annoncé avoir eu pour objectif de vraiment défaire l'empire de son géniteur. Je suppose que ses plans ont changé en même temps qu'il a commencé à développer ses sentiments pour moi, à la manière dont je lui ai donné envie de vivre plutôt que de se détruire. J'aurais cru toutefois que les jardins seraient la seule chose qui aurait survécu à son propre anéantissement. Je me souviens encore de l'avoir aperçu il y a longtemps en compagnie de la reine Miyu, alors qu'ils se promenaient dans ces allées où jadis on ne pouvait compter les fleurs tant il y en avait. Leur état s'est un peu dégradé avec le temps, mais je veux croire que la façon dont mon amant a de m'en parler signifie qu'il serait éventuellement prêt à en prendre à nouveau la responsabilité. Mon sourire doux lui est destiné, car il doit savoir, évidemment, que je me tiendrai prêt à l'aider même là-dessus. Il est plus fin connaisseur que moi au sujet des plantes, mais cela me permettra d'en apprendre un peu plus au passage. Je suis juste heureux de pouvoir lui donner la motivation nécessaire à la renaissance de cet héritage que sa mère lui a légué.
    Mais une inquiétude bientôt apparaît en son esprit qu'il n'attend pas pour la formuler verbalement. Sa peur concernant les responsabilités nouvelles que j'ai obtenu par mon titre n'a aucunement lieu d'être. Ou alors parle-t-il... de la grossesse ? Cela dit, il n'a pas à s'en faire non plus. Se dégage en moi un calme qui va de pair avec la nuit tranquille qui est tombée, comme si c'était un soir normal et pas celui d'un couronnement royal. "Royal"... Le terme est correct, mais il est encore trop peu familier me concernant. Je peux au moins rassurer mon compagnon sur certaines choses, car le voir aussi troublé me peine.

    « Avec vous, je ne serai incommodé de rien. »

    Doucement, je prends sa main que je serre un peu. Mon regard se baisse sur ses doigts que je caresse distraitement.

    « C'est vrai que ce n'étaient guère des choses que j'avais prévu... Du moins pas tout de suite. »

    Encore que... Si je rêvais de foyer et de famille, j'étais prêt à risquer ma vie si cela pouvait permettre au royaume d'être débarrassé de Kazuo. Certes, tout est allé un peu vite, mais... On va dire que ça ne m'a pas déplu, la partie "conception" pour l'enfant. Et c'est moi qui ai accepté la demande de Natsume, aussi.

    « Mais si j'ai à me plaindre, je suis le seul à blâmer, haha ! »

    C'est pour ça que je lâche un petit rire, car ma situation n'est clairement pas à plaindre, et que nous partageons à présent bien plus qu'avant. Mes yeux se posent sur les siens, dans lesquels je plonge avec tendresse et admiration.

    « Ne vous inquiétez pas outre mesure à ce sujet. Je ne regrette rien, et si c'était à refaire, je recommencerais. »

    A partir du moment où je me suis rendu compte que je l'aimais, la perspective de me marier avec lui, même si c'était de manière hâtive, ne me dérangeait pas. Pas même celui d'élever un enfant avec lui. Suis-je prêt ? Je l'ignore. Je ne l'étais sans doute pas plus à gouverner à ses côtés mais comme toujours, je ferai de mon mieux et je le protègerai quoi qu'il arrive en continuant de le chérir.

    « Tout ça est certes prématuré par rapport à mes projets initiaux, mais... Ce n'est pas un mal en soi. »

    Cela me permettra peut-être de gagner en maturité, qui sait. Si j'avais su qu'un jour j'engendrerai l'héritier... C'est doublement pour ça que je m'assurerai aussi qu'un mal ne lui soit fait, car je ne suis pas sans savoir que la vie d'un prince peut se révéler dangereuse malgré le concerné.

    « Après tout, je n'avais pas non plus pour projet de m'enticher de vous, à la base, et voilà où nous en sommes. »

    Cette fois, je viens poser mon front contre celui du monarque. Il verra au fil du temps que je ne suis pas angoissé par ces choses-là. Je demeure nerveux, il est vrai, et je pense que je le serai toujours, avec un enfant. Mais je ne veux pas qu'il croit qu'il peut m'étouffer avec quoi que ce soit. Ce fut mon choix de désobéir à Kazuo. Mon choix de ne pas freiner mes sentiments pour le dauphin. Mon choix d'avoir une relation intime avec lui. Et mon choix de l'épouser pour me tenir plus près de lui encore sans qu'on ne vienne l'assaillir de questions à propos d'un mariage prochain.

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    La pensée m'avait traversé et était restée avec moi pendant les préparatifs de la cérémonie. Quelque part, j'imagine que je ne peux pas ne pas penser à ce qu'a traversé ma mère, car la situation est assez semblable, quand on y pense. A la seule différence que mon géniteur n'était pas encore roi au moment où il l'avait épousé. Comme d'habitude, toutefois, Samaël semble parfaitement calme. J'admire cette paix qu'il paraît dégager alors que je l'ai vu bien plus courroucé et déchaîné tout à l'heure. Et même si ce n'est pas grand chose en soi, sa main contre la mienne parvient à faire se soulever dans ma poitrine un sentiment chaleureux et qui m'enveloppe d'une voile chaud. J'ignore comment il fait, à vrai dire. C'est une sorte de magie que je ne peux pas maîtriser.
    Je roule toutefois un peu des yeux en l'entendant rire, n'étant pas forcément d'accord avec le fait de lui attribuer toute la responsabilité ; mais passons, car il ne l'entendra pas ainsi. Et car, malheureusement, je suis bien faible quand ses yeux se plongent ainsi dans les miens. Je ne m'en rendais pas compte avant, mais mon cœur semble s'emballer dans ma poitrine, tandis qu'un nœud de nervosité passe dans ma gorge. Un rien de sa part, et voilà le mur de glace que je suis pour les autres qui se transforme en un amas ridicule de sentiments mièvres. Ce n'était pas le cas au début, pourtant. Je m'en méfiais comme de la peste et ne voyait qu'un potentiel ambitieux arriviste dont il faudrait éventuellement que je me débarrasse pour arriver à mes fins. Et maintenant...
    Maintenant, je...

    Il s'est entiché de moi. Et moi... Est-ce le mot exact ? Je ne suis pas sûr. La pensée me travaille de plus en plus, sûrement aidée par les battements fous de ma poitrine et les réassurances qu'il m'offre. J'en suis le premier surpris, mais j'en suis devenu avide, quelque part. Comment quelque chose que je n'avais jamais eu a pu me devenir indispensable, je ne sais pas. Ou du moins, je commence à en avoir une idée. Quand il le dit ainsi...

    « Et pourtant... »

    Je marmonne à voix basse, le regard parcouru par un ensemble d'émotions brouillonnes mais sincères. C'est comme une brûme agréable qui englobe mes pensées et mon corps, comme une sensation unique mais multiple en même temps me parcoure tout entier et ne laisse place à rien d'autre. Une émotion, mais aussi une pensée, omniprésente, que je n'arrivais pas à identifier jusque lors. Je pense que je la comprends, maintenant. Ou du moins, elle m'apparaît dans ce nuage cotonneux comme une évidence auquel je n'ai même pas besoin de réfléchir.

    « Je crois que... Je vous aime. »

    Je ne lui avais jamais dit. Je ne lui avais jamais dit car je n'y avais pas pensé, je ne l'avais pas compris. Maintenant, c'est différent. Maintenant... Je crois que je le saisis, enfin.

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    "M'enticher". Je l'ai dit si naturellement que je n'ai même pas fait attention à la portée de mes mots. J'aurais pu les considérer ridicules si nous ne nous étions pas mariés juste un moment avant. Et ce n'était pas un mariage d'obligation. Nous l'avons fait parce que nous en avions tous les deux envie. Que c'était bien mon seul désir maintenant que Kazuo n'était plus de ce monde et que je pouvais me concentrer sur des désirs un peu plus égoïstes et personnels tout en veillant à protéger ce qui m'est cher. Mon roi, mon amant, mon partenaire, mon confident, celui avec qui je peux tout partager et qui m'a suivi jusque dans mes plus belles folies. Je n'aurais pas pu trouver mieux que quelqu'un qui me suit sans sourciller dans des plans dangereux mais qui valent qu'on prenne des risques pour eux.
    Il y a un "pourtant" qui flotte tout à coup entre nous. Avec curiosité je me demandais ce qu'il allait me dire tout compte fait, tout en n'osant pas craindre ce qui pourrait arriver de mal. Ce qu'il peut vouloir me dire. Est-ce que je fais fausse route depuis le début et que ses sentiments ne sont pas tout à fait les mêmes ?..
    Oh.
    Il n'en est rien. Au contraire. Il me sort une déclaration inattendue mais qui me touche en pleine poitrine comme si une flèche me transperçait le cœur ; avec néanmoins la plus douce des points. C'est simple comme bonjour. Ce sont juste des mots, auxquels j'aurais dû m'attendre plus que de raison. Comment expliquer alors qu'un chevalier d'ordinaire inflexible aux bains de sang ne parvienne pas à empêcher son visage de rougir autant ? De papillonner des yeux devant son compagnon comme s'il avait entendu quelque chose de vraiment surprenant ? De sentir en lui une chaleur qui remonte dans son corps et le fait sourire très bêtement, tant il est à la fois surpris et heureux ?

    « Ça... Ça semblait évident, je suppose. Mais... C'est... quelque chose, de l'entendre. »

    Mon regard se détourne comme si j'étais encore un adolescent qui découvrait pour la première fois une amourette. Aucune phrase n'aurait pu me faire plus plaisir à entendre. J'en rêvais, de ce moment, à vrai dire. De ce moment où il me dirait des paroles aussi douces que celles qu'il a prononcées. Mais c'est même encore mieux puisqu'il s'agit de la réalité. Que je n'ai pas à m'imaginer plus longtemps des scénarios où il pourrait officialiser ses sentiments, même si un anneau n'est, en théorie, pas n'importe quelle preuve.
    Mon visage finalement se relève.

    « Même si j'ai le titre de roi... »

    La couronne sur ma tête le prouve, d'ailleurs. Mais ce n'est pas ça que je voulais dire.
    Je me tourne vers lui tout à fait. La main toujours dans la sienne, je pose un genou à terre en levant sur lui des yeux brillants d'une affection débordante que je n'ai pas à lui cacher.

    « Je resterai toujours votre chevalier. Mon âme et mon cœur vous sont entièrement dévoués. »

    Il le sait, en plus. Un seul mot de sa part et je m'exécute sur-le-champ, quand bien même ma mission serait de décimer un village entier de traîtres. Quand bien même je pourrais effectuer les plus basses besognes.

    « Tout comme je le protègerai lui. »

    Je reporte à nouveau mon attention sur le ventre légèrement rebondi du Shimomura. Ma paume caresse brièvement le ventre par-dessus le tissu, avant que je ne vienne enfin y déposer un baiser comme si je voulais embrasser l'enfant qu'il portait. Et bientôt, tout le royaume sera en liesse en apprenant la nouvelle.

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    La pensée m'était en soi comme une évidence, même si il me paraît probable que je sois bien le dernier à m'en rendre compte. Il a l'air satisfait de l'entendre et ce n'est pas surprenant en soi, mais je m'étonne de le voir se mettre à genou. Sans un mot, l'expression neutre mais teintée de bienveillance, je l'observe et l'écoute, sans toutefois comprendre d'où vient toute cette affection que je vois dans son visage. En témoigner réchauffe mes joues et fait battre mon cœur dans ma poitrine, emballée dans une brume de nervosité qui survient à chaque fois que je suis la cible de sa sincérité. Même si je ne souhaite pas d'un chevalier, je comprends le sens de son serment. Je le comprends, si bien que je ne réponds pas sur l'instant. Silencieux, j'esquisse toutefois une moue amusée et attendrie quand il embrasse mon ventre.

    « D'ordinaire, c'est avant le mariage, qu'on se met à genoux, pas après. »

    Quand bien même je fus celui qui l'ai demandé en mariage et que je ne l'ai pas fait, mais ce n'est que pour le taquiner. Ma main passe sur sa joue et ma paume s'y colle, comme pour chercher la chaleur qui s'y trouve. La nuit qui débute est fraîche, pourtant. Ce que je vois de ses traits est à peine illuminé par la lueur de la lune et le feu fragile des torches aux alentours. J'ai bien de la chance. Après toutes ces années, je n'aurais pu y croire.

    « J'espère vous rendre tout ce que vous m'offrez. »

    Sa dévotion me submerge, parfois. Je me retrouve perdu devant cette dernière, sans savoir comment la lui rendre à part égale. La seule chose que je puisse faire, alors, est de plier le genou à mon tour pour me retrouver à son niveau. Je veux qu'il comprenne, même si je n'ai pas beaucoup d'espoir, que je ne vois et n'ai jamais vu en lui un serviteur. Il ne m'écoutera pas, toutefois. En silence, je relève son menton pour venir quérir ses lèvres avec tendresse, plus sincèrement que tout à l'heure, lorsque nous fumes observés.

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    J'en fais trop ? Peut-être. Probablement. Sûrement. Beaucoup d'excès non nécessaires et pourtant il ne mérite que le meilleur de ce que je peux lui offrir. J'ai juré lui être fidèle et dévoué avant même notre serment de mariage, mais il n'y avait rien qui aurait pu me rendre plus heureux que l'officialisation d'une union pour que tous sachent que je ne laisserais personne lui prendre le cœur ou la vie. J'en deviendrai ennuyeux, à n'en point douter, tant et si bien que mon amant se permet déjà une petite plaisanterie qui me fait rougir d'embarras avant que j'en ris à mon tour. Et si je m'apprêtais à me redresser, je suis un instant envoûté par le regard affectueux qu'il me lance. Emu par ses paroles, je lui souris plus tendrement encore, avant de le laisser se mettre à ma hauteur. Je ne dis rien, comprenant son geste. Je suis sûr qu'aucun autre roi n'a fait preuve d'une telle noblesse et d'une telle humilité. C'est ce qui me charme d'autant plus et me donne envie de me prosterner d'autant plus en me rapprochant du sol, car mon estime pour lui est sans égal et que s'il n'est pas forcément sain de le mettre sur un tel piédestal, je ne peux être plus fier de me trouver à ses côtés en tant que partenaire de régence mais également partenaire de vie. J'accueille d'ailleurs ses lèvres avec toute la douceur dont je puisse faire preuve, même si tant de liesse aujourd'hui m'a rendu un peu gourmand de lui. Sauf s'il montre une grande fatigue, je ne le laisserai pas dormir tout de suite, cette nuit. Ma poitrine bat chaudement à chaque caresse de sa bouche contre la mienne, et quand je m'en détache, je ne reste pas bien loin de lui, posant mon front contre le sien.

    « Et encore, j'ai l'impression de vous offrir si peu, vous qui méritez tant. »

    Ma main se lève pour caresser sa joue. Je revois à mon doigt cette alliance toute nouvelle mais qui me comble à chaque fois que je l'observe et que je me souviens qu'elle est là.
    Plus taquin, je rapproche mes lèvres de son oreille, cette fois pour murmurer quelque chose comme si j'avais peur que l'on puisse nous entendre dans ce jardin pourtant si tranquille où nous avons l'impression d'être dans un tout autre endroit.

    « Mais que je vous rassure, je trouverai bien d'autres occasions de me mettre à genoux devant vous. »

    J'aurais pu ne pas casser le moment, mais ça n'aurait pas été fidèle à mon caractère, je suppose. Bon, il a bien le droit à un peu de sérieux.

    « Plus sérieusement, je... Moi aussi, je... »

    Allez, j'ai réussi à trancher des têtes, je peux bien faire une déclaration, non ?
    Déglutissant un peu, je me sens quand même légèrement nerveux même si ça me fait plaisir de lui répondre plus directement.

    « Je vous... aime. Du plus profond de mon cœur. »

    Mon visage est de nouveau rouge et chaud, mais peu importe. Je suis heureux. De lui avoir dit. D'avoir entendu ces mêmes mots de sa part à mon égard. De l'avoir épousé. De m'être tenu à ses côtés aujourd'hui et de continuer à le faire, tous les jours. De l'aimer, tout simplement.

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    Je ne suis pas particulièrement friand des démonstrations d'affection publiques. Cela m'incommode plus qu'autre chose, mais la journée me rendait en même temps plus attendri et affectueux envers lui ; alors je compense quelque peu, maintenant, profitant de cet instant de tranquillité pour l'embrasser. Le contact n'est pas bien long, mais il suffit à faire remonter un début de sourire sur mes traits, parant de couleur mes joues qui se teintent d'autant plus face à ses compliments.
    C'est étrange, comme je peux être réceptif à chacun de ses mots quand j'y ai pourtant toujours été indifférent lorsque cela venait de cent autres personnes. A la différence que, contrairement à ces dernières, lui est... Lui m'apprécie vraiment. Lui m'est fidèle non par devoir mais par affection, du moins je le crois. Alors je suis bien peu face à sa main sur ma joue, contre laquelle je penche mon visage avec une quasi timidité.

    Si je suis pris d'un léger frisson en l'entendant parler contre mon oreille, je mets cela sous le dos de l'air ambiant pour ne pas me ridiculiser davantage. Mais je ne saisis pas tout de suite son propos, en revanche, me contentant de cligner des yeux d'un air benêt, fronçant les sourcils sans comprendre sur le moment. Mais justement, je ne veux pas qu'il se prosterne, alors... ? Hmm. J'ai l'impression qu'il se moque un peu. Je n'aurais qu'à lui demander plus tard.
    Attentif, je suis toutefois confus en le voyant peiner à s'expliquer. Je suis toujours surpris et flatté dans mon ego quand je vois que le chevalier bien fier et parfois hautain qu'il peut être se retrouve aussi balbutiant devant moi. Je mentirais si je disais que ça ne me plaisait pas un peu. Je sais maintenant que je l'intimide car il m'apprécie, et je prends un certain plaisir à le faire tourner en bourrique parfois. Pas sur l'instant, toutefois, car je suis plus curieux qu'autre chose.

    Je suis curieux mais je ne m'attendais pas à ça. Silencieux, devenu muet en un instant, je sens de vives couleurs éclater sur mon visage et un feu embraser ma poitrine immédiatement. Mon cœur se met à tambouriner dans ma poitrine et j'ai presque l'impression qu'il va en sortir. La chaleur inonde mes membres et mes traits qui se retrouvent marqué par une stupide expression de surprise et d'embarras pudique.
    Il avait raison. C'est différent de... L'entendre.
    Je m'en doutais, quelque part. J'espérais, plutôt. Je ne comprenais pas vraiment la différence entre l'amour et l'affection jusqu'à maintenant, mais je me disais que si quelque chose devait y ressembler, c'était sans doute ce que je partageais avec lui. Je savais qu'il me tenait en affection, mais j'espérais et savait que c'était différent de celle d'un chevalier pour son roi. Pourtant... Quelque chose en moi voulait l'entendre, visiblement. Voulait le savoir, s'en assurer pour de bon. Fébrile et ému, je ravale ma salive sans réussir à parler sur l'instant. Chacun de mes membres me semble ankylosé, comme parcouru par une brume chaude et sourde. Je mets un temps à répondre, comme si mes mots étaient bloqués dans ma gorge. Ce n'est qu'en relevant mon regard, empli d'une affection chaude et sincère, d'une fièvre douce mais entêtante, quoique marquée d'une forme étrange de détermination, que je le fixe.

    « … Montrez-le moi, alors. »

    Ce n'est pas vraiment un ordre, même si cela en aurait presque le ton. Le seul que je puisse lui donner. La seule chose que je demanderai de sa part, maintenant et par le futur. Car je serais prêt à tout, même au pire, pour son amour.

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