Des jours sous le soleil. Où le vent emporte le rire cristallin et innocent d'un enfant heureux. Six ans est un âge où on peut encore poursuivre les insectes et jouer avec une épée en bois de manière naïve. Pour s'amuser. On aimerait que les enfants jouent à autre chose mais dehors la guerre fait encore rage et les frontières ne sont toujours pas tranquilles. Samaël a la vie banale et tranquille d'un gamin ordinaire. A la maison, du moins. C'est là où il est le plus heureux car personne ne le blesse ou l'insulte pour ses origines. Sa mère le protège et quand son papa rentre du front, c'est la fête. Ses parents lui apprennent un peu à se défendre, à s'occuper des animaux et à grandir le plus sainement possible. Ikaël, ne porte plus le titre de noble mais le demeure malgré tout, feu chevalier Altissien devenu simplement soldat qui n'a besoin ni de fortune ni de gloire pour être heureux. Son bonheur, c'est sa femme et son fils pour qui il brûlerait le monde quand il n'est pas sur les champs de bataille à défendre un pays qu'il aime malgré tout. Par amour, celle qu'il a épousée est restée près de lui mais remarques et moqueries mesquines pleuvent sur son dos quand elle le tourne et qu'elle doit garder un sourire de façade afin que rien ne retombe sur elle ou son enfant. Son ego est de marbre à toutes épreuves et elle n'y tient pas particulièrement ; mais il suffit qu'on touche à un cheveu de son petit pour que l'animorphe canin montre les crocs. Les origines Caldissiennes de Lyra lui donnent du mal dans cette contrée montagnarde, mais elle tient bon. Peu avant la naissance de Sam, ils se sont installés dans une maison à l'écart de la ville afin d'avoir un endroit où on les laisse faire ce qu'ils veulent.

« Maman ! J'peux cuisiner, moi aussi ? »

L'aînée aperçoit le sourire lumineux sur le visage juvénile, et ne peut que le lui rendre avec toute la douceur dont elle sait faire preuve avec lui.
Le garçonnet ne sait pas ce qu'il veut faire plus tard. Pour l'heure, il pense qu'il restera toujours auprès de ses parents et que rien ne peut les atteindre. Dehors, il y a la guerre, mais Papa est fort et il revient toujours indemne. Maman s'occupe des autres tâches car la maison est le seul lieu où elle se sent chez elle. C'est avec douceur qu'elle tente d'apprendre à son fils tout ce qu'elle sait faire ; mais son don pour la magie ne lui a pas été transmise alors elle se contente au moins de lui enseigner les recettes qu'il aime tant et de l'aider dans sa transformation en chien qu'il maîtrise à peine. Tant pis si on dit de lui des méchancetés et si les autres enfants ne jouent pas avec lui : il reçoit beaucoup d'amour de ses parents, et pour l'instant, ça lui suffit amplement.



« C'est quand qu'il revient, Papa ? »

Il ne met pas autant de temps pour revenir d'un combat, d'habitude. Alors l'enfant s'agite sur sa chaise après qu'il ait fini son livre de manière impatiente, avec la hâte habituelle que son père revienne. De fatigue, le petit Enodril de sept ans s'endort enfin. Sa mère le porte à son lit, avec une inquiétude toutefois présente. Une inquiétude qui grandit à mesure que la nuit passe et qu'aucune nouvelle ne lui parvient. C'est bien des heures plus tard qu'elle saura. Des heures encore après qu'au petit matin, quand son fils émergera de son sommeil, qu'elle devra lui dire la vérité. Que Papa ne rentrera jamais.
On blâme d'ordinaire les Caldissiens pour les morts. Lyra ne peut pas vraiment le faire : ce fut chez elle, et elle s'y sent encore très attachée. Avec la mort d'Ikaël, elle a l'idée d'y retourner pour qu'on cesse de la traiter comme une étrangère et qu'elle retrouve un semblant d'appartenance afin de vivre plus convenablement et que son fils s'épanouisse davantage. Rien ne dit qu'on ne la regardera pas mal pour avoir épousé un Altissien, mais elle n'est plus à ça près. C'est le temps qui lui manquera, surtout. Peu de temps après la disparition de son père, Sam voit sa mère se faire assassiner sous ses yeux par des militaires Altissiens qui ont profité de l'absence du protecteur pour s'en prendre à celle qu'il traitait des pires noms. Peu de souvenirs lui resteront de ce moment, cependant. Des flashs douloureux, surtout, et une odeur de sang si forte qu'il en fera plus tard encore des cauchemars.



« Mère Constance est trop gentille avec lui. »
« C'est une honte d'avoir un bâtard à Altis. »

Il avait quand même du sang Altissien, alors on l'a gardé en vie, puis placé dans un orphelinat. Il y restera jusqu'à ses quatorze ans, il le sait. Personne ne voudrait l'adopter. Pas assez jeune pour qu'on puisse le prendre en pitié, pas assez vieux pour qu'il puisse commencer à travailler, le sang trop impur pour qu'il ne soit pas souillé. Ni vraiment Caldissien, ni vraiment Altissien. Ni vraiment animal, ni vraiment humain. Animorphe entre deux mondes qui n'a sa place dans aucun.
En même temps, sa jovialité s'est quelque peu perdue. Candeur disparue au profit d'un vide, un creux, que personne ne désire remplir. Une solitude qui le poursuit jusqu'à ce qu'il parte de ce qui n'était pas une prison, mais pas plus une maison. L'âge d'apprendre un métier arrive. Désormais, il sait ce qu'il veut faire : l'armée. Drôle de choix finalement, mais la motivation est là. Elle s'appelle vengeance et ce sera sa seule amie à partir de maintenant.
Il n'a jamais été particulièrement violent quand il était petit ; au contraire. Mais la violence court dans ses veines et lui donne une détermination folle qui compense ce qu'il lui manque en intelligence par des compétences au combat qui impressionnent et le démarquent des autres ; et son mentor l'a bien vu. Faust Donovan est exigeant et strict, mais c'est sans doute la personne dont Sam se sent le plus proche, finalement. On ne le voit plus comme un mélange bizarre, mais comme un guerrier qu'on doit apprendre à canaliser. Sous l'aile de l'animorphe lupin, il devient plus fort, plus mesuré, et si les séances sont rudes il ne faiblit jamais.
Altissia. Caldissia. Les deux paieront, un jour. Il se le promet.
La haine qu'il conçoit pour le pays qu'il a vu grandir n'atteint pas son professeur. C'est l'une des rares personnes que son cadet apprécie sincèrement, même si son cœur s'est refroidi par une ambition insensée. Le lien est assez étroit cependant pour qu'il lui demande, un jour, s'il peut faire partie de sa famille. Même une petite branche. Qu'importe. C'est là une petite source de lumière qui arrive encore à le réchauffer.
« S'il y a des gens qui t'embêtent, je leur ouvre les veines. »
Il devient même parrain des plus jeunes enfants de Faust, Soren et Sofia. Ce dernier aime bien son parrain, jusqu'à vouloir le défendre en usant de sa magie blanche qui lui sert à fermer des plaies, et surtout à les ouvrir.



« Le rustre ! Il m'a posé un lapin ! »
« Quoi, toi aussi ? Il a fait la même chose à Thérèse ! »

Et il le refera. A tous les Altissiens ou même Caldissiens qui pourraient croiser sa route. Qui pourraient montrer une once d'intérêt pour lui. Depuis qu'on a compris qu'il était assez puissant pour le faire monter en grade, il devient de plus en plus populaire. Ses promotions n'étaient toutefois pas jouées d'avance. Son niveau bien que largement plus élevé que celui de certains de ses supérieurs, les plafonds de verre qu'il se prend ne sont brisés que par l'aide de Faust qui veut bien plaider pour sa cause en sachant ce qu'il vaut vraiment.
Qui donc pourrait lui faire de l'œil, s'il repousse les avances de tant de monde et se moque même d'eux en les draguant pour mieux fuir les rendez-vous et les humilier ? Sans doute personne. Sa haine envers ses semblables est si forte qu'il n'éprouve que du dégoût à leur encontre, alors ce n'est pas tout de suite qu'il pourrait se caser. Il n'en a pas envie, de toute façon. Il veut juste tout brûler. Tout brûler et danser sur les cendres en riant.
En attendant de mettre le feu, il répand le sang. Orgueilleux, il a bien le droit de l'être : sa lame s'abat et la neige se tâche d'écarlate à son passage, comme s'il laissait volontairement des traces afin de marquer sa présence. Les Caldissiens devant lui ne survivent pas longtemps. Les Altissiens ont tué sa mère, mais ce sont les guerriers bleus qui ont pris la vie de son père. Ils subissent donc un courroux similaire qui rend bien service malgré lui à l'empire qu'il déteste. Mais des deux camps, il devait bien en choisir un pour l'instant. Cela l'arrange d'avoir des contacts au sein de l'armée qui pourront potentiellement l'aider dans son projet de conquête future.



Les Eossiens sont donc le cadet de ses soucis, quand ils refont surface avec l'arbre millénaire. Et pourtant, il éprouve pour ces êtres d'un autre temps une curiosité étrange et le semblant d'une bienveillance, presque empathique. Puisque ces ancêtres se font maltraiter par les Altissiens et les Caldissiens, alors Sam se montrera moins violent avec eux. De tous ses congénères, c'est celui qui tente le plus de limiter les dégâts lors du réveil. Il méprise d'ailleurs les décisions de son empereur Gaston et même Gaston lui-même qui est connu comme l'un des dirigeants Altissiens les plus couards que le trône ait connu.Une mauviette pareille ne mérite pas d'être empereur.Et mérite encore moins, à son sens, tous les cadeaux qu'il reçoit sur le sol d'Yggdrasil. Des cadeaux comme cette cage qu'il a vu au camp. Un reptile ailé qui a fait briller ses yeux et gonfler la fascination qu'il a pour ces créatures qui se sont faites bien rares dans leurs propres contrées.

« Gaston ?.. Gaston a le droit à un dragon ? »

Il a eu du mal à le croire quand on lui a dit. Il en fut choqué tout d'abord. Puis parti dans un grand éclat de rire.

« POUHAHAHAHA ! »

Entre amusement et colère, entre jalousie et agacement. Puis l'incompréhension, et l'explosion.

« Pourquoi est-ce qu'il aurait le droit ?! LUI ?! »

Pour une fois, il y en a qui partagent son avis dans son groupe. C'est injuste, en effet. Sam déteste les injustices.
Contrairement aux autres Altissiens, il n'est pas assez bête pour s'en approcher d'aussi près. Le voir à quelques mètres où le dragon ne peut pas l'atteindre lui suffit. Il l'admire, lui, cet animal majestueux et féroce qu'il rêverait de dresser et de posséder.
Et un jour, c'est ce qui arrivera. Bientôt, il le sent.
Héhé... Héhéhé... Il en verra pas une seule écaille.
Car il prévoit des plans. Une malencontreuse libération. Des victimes ici et là. Peut-être le début de la fin qu'il a programmé, si tout se déroule comme prévu.