First knight

Il me relâche, non sans garder sur son visage une expression contrariée et tourmentée. Mon cœur se serre de le voir ainsi affligé par la situation. J'aimerais pouvoir l'aider. Mais il est vrai que ce choix n'est pas évident à prendre, et qu'il en est le premier affecté. Je suis heureux au fond de moi de savoir que j'ai pu avoir un impact positif sur sa vie, jusqu'à lui donner envie de prolonger cette dernière. Je demeure anxieux toutefois en le voyant agité d'une nervosité qui me rend coupable. Si je n'avais pas écouté mes désirs pour lui, nous n'en serions pas là après tout. Mais il est trop tard pour regretter, d'autant plus que je ne suis pas dans la position de mon amant, je ne peux pas savoir ce qu'il ressent. Pour ma part, cette grossesse n'était clairement pas prévu mais je suis prêt à en prendre la responsabilité si besoin. Contrairement à lui, il m'est arrivé de rêver parfois d'avoir des enfants un jour. Je ne voulais juste pas qu'ils grandissent dans un monde dirigé par Kazuo. Ce dernier étant hors jeu... La perspective m'est davantage attrayante. S'il préfère y mettre un terme, toutefois, je le comprendrais aussi. J'ignore si la curiosité dont il parle pourrait suffire afin qu'il n'ait aucun regret de son côté si nous décidons d'aller jusqu'au bout.

« Cette décision est trop importante pour la prendre maintenant. Laissons-nous un peu de temps pour y réfléchir. »

J'hésite à me rapprocher. Je le laisse pour l'instant prendre la distance dont il a besoin, tout en effectuant juste quelques pas afin de réduire un peu les risibles mètres qui nous séparent.

« Je pense que nous y verrons plus clair dans quelques jours... Ensemble. »

Je veux surtout l'inviter à se confier davantage, car je sens que le trouble qu'il ressent va finir par imploser un jour, comme ça a été le cas il y a quelques minutes.

Sans doute est-ce beaucoup d’informations d’un coup. Je suis plus affecté que je ne l’aurais cru, et cela me frustre. Je n’aime pas ça, mais m’en plaindre pendant des jours et des jours ne va rien changer. Et quand bien même je viens pourtant de m’emporter, mon ami ne m’en tient pas rigueur, me considérant toujours avec la même douceur et la même tendresse. Troublé et vaguement perturbé, je n’ose rien dire. Sans doute, effectivement, ai-je besoin d’au moins quelques jours pour y réfléchir. Je n’aime pas rester dans l’incertitude, mais je suppose que des regrets ne seraient pas acceptables dans le cas ci-présent. Je n’aime pas non plus le voir si distant ; mais cela est probablement de ma faute. E-enfin… Au moins partiellement. Un peu.

Hésitant, je tapote des doigts sur le tissu du canapé. Je suis bien moins assuré, tout à coup, me demandant si j’en ai le droit après m’être montré brusque tout à l’heure. Mais je ne supporte pas, avec l’incertitude dans mon ventre, de le voir loin. Tant pis. Il m’éloignera si il le faut, aussi humiliant que cela pourrait être. Si je l’attrape de nouveau, c’est par l’épaule cette fois, et pour le rapprocher de moi ; j’enroule alors mes jambes contre sa taille de telle manière à ce que nous soyons collés l’un contre l’autre. La tête plongée dans son cou, je reprends la parole en marmonnant un peu.

« … Mais je ne regrette rien. »

Rien du tout. Je regrette peut-être de ne pas avoir réfléchi à certaines conséquences qui m’auraient fait prendre des précautions, mais en soi… Je ne reviendrai pas en arrière ; que ce soit lorsque nous nous sommes embrassés ou lorsque nous avons décidé d’aller plus loin. Enfin, si. J’aurais peut-être agi plus tôt.

C'était évident que prendre une décision finale maintenant serait stupide. A tête reposée, j'étais convaincu que ce serait plus efficace que paniquer en attendant que les choses se fassent. Il n'y a pas à avoir peur, de toute façon. Si cette grossesse arrive à son terme, il n'y a qu'à attendre ; sinon, il faudra agir, mais Natsume ne sera pas seul dans cette aventure, dans tous les cas. Et il le sait probablement.
C'est lui qui vient aussi se rapprocher de moi, passant ses jambes autour de ma taille, pour se blottir contre mon cou et ma poitrine. Je l'y accueille avec douceur, passant mes bras autour de lui.

« Ça me rassure, alors. »

Je n'ai sans doute plus à m'en faire. Ou en tout cas, beaucoup moins. Il ne m'en veut pas pour cette grossesse accidentelle et semble insister pour me prouver qu'il a apprécié ce moment intime que nous avons partagé. Le contraire m'aurait chagriné, d'autant plus que je n'ai jamais souhaité mettre un polichinelle dans le tiroir : je ne suis pas nécessairement plus assuré sur ce coup-là même si je prétends l'inverse.

« Moi non plus... je n'ai aucun regret. »

Mes yeux se ferment pour profiter de son odeur et de la douceur de ses cheveux entre mes doigts. Il a l'air bien plus calme, déjà ; c'est un bon début. Quand son cerveau arrivera à saisir qu'il n'est pas seul, nous aurons fait un pas de géant. C'est déjà une certaine initiative de me demander mon avis ; maintenant, j'espère qu'il suivra mon conseil et qu'il laissera un peu de temps pour que nous parlions ensemble de ce que nous souhaitons faire par rapport à la situation, mais... aussi par rapport à nous également.