Des fleurs sont bien maigres, mais c'est tout ce que nous pouvons offrir à une tombe, de toute façon. J'aurais souhaité pouvoir en faire davantage. Mais rien ne pourra redonner la vie à ce père que j'ai tant aimé, et qui m'a laissé un fardeau : celui de protéger la couronne. J'ai tant envie de la faire tomber, ceci dit. De trancher cette tête qui nous regarde avec mépris. De piétiner cette couronne...
Ou alors...
De la donner à quelqu'un qui la mérite plus.
Les portes du château me sont toutes ouvertes. En me voyant, c'est bien normal que les gardes me saluent avec respect ; je l'ai mérité. J'ai démontré que j'étais capable d'être un chevalier digne de ce nom, et je me suis montré jusque là loyal au roi actuel pour endormir les méfiances et me moquer des rêves. On s'attend probablement à ce que je continue de monter en grade pour atteindre le but que je m'étais fixé il y a des années : être le meilleur, devenir l'ombre du souverain. Un honneur qui n'est pas donné à tout le monde. Mais ce n'est guère cet héritier que je désire servir.
Ma main se pose sur la porte au bois finement détaillé. Les gardes, pourtant très à cheval et tendu, m'ont laissé passer aisément et sans protester. Je suis censé rester au chevet du prince en permanence. Corvée s'il en était autrefois. Aujourd'hui, je m'échappe volontiers auprès de lui dès que l'occasion se présente, y voyant là un échappatoire au milieu de cette prison dorée insupportable et étouffante. J'ai depuis longtemps perdu le désir d'idéal et de justice qui m'animait. Je voulais défendre ce royaume au péril de ma vie. Désormais, je souhaite attenter à la vie de son monarque, comme si ce n'était pas le pire crime qui pourrait être commis. Mais personne n'en sait rien. Je préserve très secrètement cette envie ; je n'ai pas sacrifié des années à faire le toutou obéissant pour voir mes plans être réduits à néant. Si vous saviez comme il est difficile de se faire accepter de ce crétin de Kazuo... C'est bien parce que j'ai fait la carpette que j'ai pu parvenir à être assigné à la tutelle de son fils, pour mon plus grand avantage.
Attendant que l'on me donne la permission d'entrer après avoir toqué à la porte, je fais signe aux gardes d'aller vérifier plus loin qu'il n'y ait pas d'intrus et referme l'entrée derrière moi. Après avoir vérifié que les soldats ont bien décampé, je pousse un soupir de soulagement. Je me tourne vers le propriétaire des appartements que je salue d'une courbette.
« Altesse... »
Mon regard se fait moins dur. Allez savoir comment Natsume a réussi à être si différent de son père. Sans doute la présence de la défunte reine qui l'a permis, même si cela reste un miracle, à mon sens, qu'il n'ait pas suivi le même chemin que son géniteur ; vu en plus l'influence de la mamie derrière... Enfin.
« La sentence n'a pas encore été prononcée. »
Je suis venu au rapport, faisant le lien entre ce qui se dit au dehors et ce qui traverse ces quatre murs qui, bien que de tailles raisonnables, vu le rang du possesseur, n'en est pas moins suffocant.