Tout lui semble désormais lointain. Même le choc de son corps contre la pierre ne lui procure aucune douleur. Il a froid, tout à coup. Ses yeux tentent de rester ouverts mais se ferment inexorablement sur le plafond de la chambre. La seule chose qu'il perçoit est le sang qui coulent avec lenteur mais sûreté contre ses mains. Le noir complet l'entoure bientôt, et ne reste plus qu'un écho qu'il entend encore : celui d'un grondement si fort que la pièce en tremble et que les fenêtres se brisent. De la peine. De la douleur. Qui pleure ainsi ?..
Est-ce lui ?
La réponse, il la connaît pourtant. C'est un cri qu'il reconnaît pour l'avoir déjà écouté. Pourtant, le ton est différent de d'habitude. C'est une plainte.
Pour moi ?..
Il se permet presque d'espérer, quand bien même il ne pense pas compter tant que ça pour le dragon. Il a collaboré avec lui, mais c'est tout. N'est-ce pas ?..
Il ignore ce qui se produit autour. Il ne se sent que faiblir de plus en plus à mesure que les secondes passent. Si près du but, va-t-il mourir ainsi ?
Au moins... Je n'aurais pas... à le tuer.
Une pensée qui le soulage un peu d'une fin si ridicule. Il aurait pu éviter cette flèche ou y résister s'il avait été davantage concentré. Peut-être. Ou alors est-ce que la zone atteinte est si fragile qu'il n'y aurait eu rien à faire de toute façon. Mais il aurait pu entendre quelqu'un arriver, sentir un parfum non familier. Trop tard, il mourra avec ce regret là. Il aurait au moins voulu remercier le reptile de l'avoir soutenu, même en dépit d'un pacte, durant tout ce temps qu'ils ont passé ensemble.
La force le quitte. Il n'a plus la foi de se relever ou même d'essayer ; pensant que ce serait vain de toute manière. Puis, le froid laisse place à une chaleur qui commence à grandir. C'est mince, pour l'instant, mais ce n'est pas absent. Il croit que cela vient d'une chaleur familiale : celle de ses parents qui viennent le chercher pour le monde meilleur d'au-delà. Il ne se souviendra que d'une grande lumière l'aveuglant et d'un feu qui se fait de plus en plus puissant, pour venir chercher l'obscurité glacée qui l'entourait.
Ses yeux se rouvrent, enfin. Il n'est pas mort. Il a échappé de justesse à une fin précoce. La chambre de l'empereur l'entoure à nouveau. Mais pas que. Des flammes sont venus ronger murs et tapisserie, et le soldat qui lui a tiré dessus a été remplacé par un tas de poussière grisâtre. Comme les menottes et d'autres choses qui ont été brûlées par le dragon.
« Dragon ?.. »
Où est-il ?
Le militaire tente de se redresser, avec moins de mal qu'il ne pensait. Il faut qu'il retire cette flèche. Une flèche... absente. Ses yeux s'abaissent vers sa poitrine où il n'y a plus aucune blessure présente. Elle a été soignée. Il est certain : c'est l'œuvre de son ami.
Un corps est couché près de lui. Le général sursaute en le découvrant.
Qui...
Celui qui lui a tiré dessus ? Non, il n'en a pas l'air. L'Enodril s'approche. Un humanoïde avec ici et là des écailles, des cornes, des cheveux châtains hérissés tombant sur ses yeux. Et une odeur qu'il reconnaît bien pour l'avoir côtoyé durant des semaines. Beaucoup de choses peuvent le tromper, mais pas son flair.
C'est lui ? C'est vraiment lui ?..
Les traces de chair brûlée, aussi, sont familières. Il n'y a pas de doute. Mais comment est-ce possible ? Et qu'est-il arrivé ?..
... Il m'a soigné. Est-ce qu'il a tant donné d'énergie qu'il est...
« Non... Non !.. »
C'est une pensée qu'il ne veut pas avoir. Pourtant, de ça, il est sûr. Sa blessure ne s'est pas refermée toute seule, et il sait ne pas avoir imaginé cette flèche puisqu'elle gît au sol. Il n'y a que cette hypothèse qui fonctionne, alors ça doit être la bonne. Pourquoi cette apparence humaine, alors ?
Est-ce que les dragons deviennent humains quand...
Quand ils meurent ?.. Mais est-il seulement mort ?
« Réveille-toi... Réveille-toi ! »
La panique envahit sa poitrine. Il se place devant le corps allongé, le secoue par les épaules. Son regard s'humidifie. Il se répète, lui demande d'ouvrir les yeux. Une seule chose pourra lui donner une réponse. Son oreille se colle contre son torse. Le cœur bat encore.
Sans réfléchir davantage, il prend le magimorphe dans ses bras et descend chercher quelqu'un qui pourra le ramener. Sa victoire, temporairement, il l'a oubliée.
La capitulation de Gaston s'est fait connaître dans tout Yggdrasil. On estime la fuite de Camélia comme un autre abandon, même si cela ne sera confirmé que bien plus tard, quand Caldissia comprendra qu'ils ne feraient jamais le poids face à la puissance réunie de la cité et de tout un empire. Elle signera donc à son tour son retrait pour le placer aux mains de celui qui s'est proclamé nouvel Empereur, ainsi que de son Conseil qui réunissent des membres proches de lui. Pas que des Altissiens, d'ailleurs. Eossiens et Caldissiens sont également présents dans les décisions, et si ça ne rend pas les débats toujours évidents, ils font de leur mieux pour trouver des accords qui satisfassent le plus grand nombre. Peu de gens ont contesté le choix du nouveau dirigeant. C'est un Altissien de souche mais l'Enodril est très clair : son sang est mixte mais son cœur est international. Provoquer une révolte jusqu'à faire tomber son propre leader fut une preuve suffisante pour ceux qui avaient encore du mal à être convaincus.
Le dragon est vivant, mais il ne s'est pas réveillé depuis des jours. Il l'a laissé aux soins de Soren et d'Elliott envers qui il a formellement interdit toutes tentatives bizarres ou douloureuses. Docile, son filleul a donc délaissé son rôle de tortionnaire au profit de celui de mage blanc. Les tissus ne sont plus défaits, ils seront réparés. Elliott est plus amusé qu'autre chose de voir que l'Enodril semble tenir à ce point au magimorphe (dont il lui a confirmé l'espèce) mais ne dit rien pour l'instant et se contente de l'aider.
Souvent, il va au chevet du hérissé pour veiller sur lui. Chaque nuit, en vérité, puisqu'il a du mal à penser à autre chose quand la politique ne lui prend pas son temps. Il en a profité néanmoins pour refaire des travaux dans le Centre de Commandement pour palier à ce qu'ils ont détruit et rendre son physique d'antan. Les jardins n'en sont que plus beaux, et tout le monde peut désormais en profiter.
La tête entre ses bras couchée sur le matelas où repose le dragon, c'est un matin, par hasard, où il sent finalement du mouvement émaner des draps. Encore endormi, il croit rêver quand il se frotte doucement les yeux et qu'il aperçoit, enfin, un regard ambré posé sur lui.
Est-ce lui ?
La réponse, il la connaît pourtant. C'est un cri qu'il reconnaît pour l'avoir déjà écouté. Pourtant, le ton est différent de d'habitude. C'est une plainte.
Pour moi ?..
Il se permet presque d'espérer, quand bien même il ne pense pas compter tant que ça pour le dragon. Il a collaboré avec lui, mais c'est tout. N'est-ce pas ?..
Il ignore ce qui se produit autour. Il ne se sent que faiblir de plus en plus à mesure que les secondes passent. Si près du but, va-t-il mourir ainsi ?
Au moins... Je n'aurais pas... à le tuer.
Une pensée qui le soulage un peu d'une fin si ridicule. Il aurait pu éviter cette flèche ou y résister s'il avait été davantage concentré. Peut-être. Ou alors est-ce que la zone atteinte est si fragile qu'il n'y aurait eu rien à faire de toute façon. Mais il aurait pu entendre quelqu'un arriver, sentir un parfum non familier. Trop tard, il mourra avec ce regret là. Il aurait au moins voulu remercier le reptile de l'avoir soutenu, même en dépit d'un pacte, durant tout ce temps qu'ils ont passé ensemble.
La force le quitte. Il n'a plus la foi de se relever ou même d'essayer ; pensant que ce serait vain de toute manière. Puis, le froid laisse place à une chaleur qui commence à grandir. C'est mince, pour l'instant, mais ce n'est pas absent. Il croit que cela vient d'une chaleur familiale : celle de ses parents qui viennent le chercher pour le monde meilleur d'au-delà. Il ne se souviendra que d'une grande lumière l'aveuglant et d'un feu qui se fait de plus en plus puissant, pour venir chercher l'obscurité glacée qui l'entourait.
Ses yeux se rouvrent, enfin. Il n'est pas mort. Il a échappé de justesse à une fin précoce. La chambre de l'empereur l'entoure à nouveau. Mais pas que. Des flammes sont venus ronger murs et tapisserie, et le soldat qui lui a tiré dessus a été remplacé par un tas de poussière grisâtre. Comme les menottes et d'autres choses qui ont été brûlées par le dragon.
« Dragon ?.. »
Où est-il ?
Le militaire tente de se redresser, avec moins de mal qu'il ne pensait. Il faut qu'il retire cette flèche. Une flèche... absente. Ses yeux s'abaissent vers sa poitrine où il n'y a plus aucune blessure présente. Elle a été soignée. Il est certain : c'est l'œuvre de son ami.
Un corps est couché près de lui. Le général sursaute en le découvrant.
Qui...
Celui qui lui a tiré dessus ? Non, il n'en a pas l'air. L'Enodril s'approche. Un humanoïde avec ici et là des écailles, des cornes, des cheveux châtains hérissés tombant sur ses yeux. Et une odeur qu'il reconnaît bien pour l'avoir côtoyé durant des semaines. Beaucoup de choses peuvent le tromper, mais pas son flair.
C'est lui ? C'est vraiment lui ?..
Les traces de chair brûlée, aussi, sont familières. Il n'y a pas de doute. Mais comment est-ce possible ? Et qu'est-il arrivé ?..
... Il m'a soigné. Est-ce qu'il a tant donné d'énergie qu'il est...
« Non... Non !.. »
C'est une pensée qu'il ne veut pas avoir. Pourtant, de ça, il est sûr. Sa blessure ne s'est pas refermée toute seule, et il sait ne pas avoir imaginé cette flèche puisqu'elle gît au sol. Il n'y a que cette hypothèse qui fonctionne, alors ça doit être la bonne. Pourquoi cette apparence humaine, alors ?
Est-ce que les dragons deviennent humains quand...
Quand ils meurent ?.. Mais est-il seulement mort ?
« Réveille-toi... Réveille-toi ! »
La panique envahit sa poitrine. Il se place devant le corps allongé, le secoue par les épaules. Son regard s'humidifie. Il se répète, lui demande d'ouvrir les yeux. Une seule chose pourra lui donner une réponse. Son oreille se colle contre son torse. Le cœur bat encore.
Sans réfléchir davantage, il prend le magimorphe dans ses bras et descend chercher quelqu'un qui pourra le ramener. Sa victoire, temporairement, il l'a oubliée.
La capitulation de Gaston s'est fait connaître dans tout Yggdrasil. On estime la fuite de Camélia comme un autre abandon, même si cela ne sera confirmé que bien plus tard, quand Caldissia comprendra qu'ils ne feraient jamais le poids face à la puissance réunie de la cité et de tout un empire. Elle signera donc à son tour son retrait pour le placer aux mains de celui qui s'est proclamé nouvel Empereur, ainsi que de son Conseil qui réunissent des membres proches de lui. Pas que des Altissiens, d'ailleurs. Eossiens et Caldissiens sont également présents dans les décisions, et si ça ne rend pas les débats toujours évidents, ils font de leur mieux pour trouver des accords qui satisfassent le plus grand nombre. Peu de gens ont contesté le choix du nouveau dirigeant. C'est un Altissien de souche mais l'Enodril est très clair : son sang est mixte mais son cœur est international. Provoquer une révolte jusqu'à faire tomber son propre leader fut une preuve suffisante pour ceux qui avaient encore du mal à être convaincus.
Le dragon est vivant, mais il ne s'est pas réveillé depuis des jours. Il l'a laissé aux soins de Soren et d'Elliott envers qui il a formellement interdit toutes tentatives bizarres ou douloureuses. Docile, son filleul a donc délaissé son rôle de tortionnaire au profit de celui de mage blanc. Les tissus ne sont plus défaits, ils seront réparés. Elliott est plus amusé qu'autre chose de voir que l'Enodril semble tenir à ce point au magimorphe (dont il lui a confirmé l'espèce) mais ne dit rien pour l'instant et se contente de l'aider.
Souvent, il va au chevet du hérissé pour veiller sur lui. Chaque nuit, en vérité, puisqu'il a du mal à penser à autre chose quand la politique ne lui prend pas son temps. Il en a profité néanmoins pour refaire des travaux dans le Centre de Commandement pour palier à ce qu'ils ont détruit et rendre son physique d'antan. Les jardins n'en sont que plus beaux, et tout le monde peut désormais en profiter.
La tête entre ses bras couchée sur le matelas où repose le dragon, c'est un matin, par hasard, où il sent finalement du mouvement émaner des draps. Encore endormi, il croit rêver quand il se frotte doucement les yeux et qu'il aperçoit, enfin, un regard ambré posé sur lui.